Roi Carotte (Le)
Le Roi CarottePar Jacques Offenbach (1819-1880) En bref :Opéra Bouffe féerie en 4 actes et 18 tableaux. Dans notre revue : |
Le Roi Carotte
Bien avant la guerre franco-prussienne Offenbach avait rêvé de collaborer avec Victorien Sardou. Un contrat avait été même signé avec le théâtre de la Gaîté pour la création le 15 octobre 1870 d’un opéra féerique en 3 actes. Sardou avait rédigé un livret qui prédisait, sous forme de sous-entendus évidemment, la chute de l’Empire. Le texte était tiré d’un conte d’Hoffmann L’histoire héroïque du célèbre ministre Klein Zach, surnommé Cinabre. Ce nouvel ouvrage avait pour titre Le Roi Carotte.
Évidemment, la création ne put avoir lieu à la date initialement prévue par suite des hostilités, et il fallut attendre le 15 janvier 1872 pour que l’œuvre apparaisse sur la scène de la Gaîté. Victorien Sardou avait alors apporté des modifications au livret initial : le lieu de l’action se déroulait désormais en Hongrie, et non plus en Allemagne ; quelques discussions du conseil des ministres avaient été supprimées ainsi que des combats qui auraient pu choquer un public encore traumatisé par les événements récents. Par contre l’auteur ne modifia pas son dénouement qui annonçait le retour de l’Empire. On retrouve ici ce qu’Offenbach et ses collaborateurs avaient introduit dans leurs ouvrages antérieurs : politiciens tournant au gré du vent, souverains risibles, potentats sans pouvoirs, une princesse mondaine des plus frivoles et un jeune prince plutôt farfelu, entouré de dignitaires se comportant comme des marionnettes.
Mais la pièce est longue et pas toujours très compréhensible pour un public qui, par exemple, croit reconnaître Napoléon dans Le Roi Carotte, alors que Sardou pensait à Fridolin ! Heureusement la musique d’Offenbach et la splendeur de la production compensent le côté touffu du livret. Le Roi Carotte est peut-être d’ailleurs parmi les ouvrages précurseurs de l’opérette à grand spectacle qui fit la gloire bien plus tard du Châtelet et de Mogador, le côté visuel étant particulièrement impressionnant. À la demande d’Offenbach, de nombreux « clous », utilisant de nouvelles dispositions techniques, émaillaient le spectacle : défilé des insectes, reconstitution d’une ville antique, tableau des armures qui s’animent… Les costumes étaient également magnifiques. Tout avait été prévu pour émerveiller le public.
En tête de distribution, Zulma Bouffar fut un exceptionnel Robin Luron, Anna Judic, dans son premier grand rôle, incarnait la capricieuse Cunégonde et Jacqueline Seveste était charmante en Rosée ; la distribution masculine était à la hauteur.
Lors de la première, les réactions du public furent contrastées : l’introduction de la politique dans la pièce indisposa certains spectateurs, les autres s’enthousiasmant devant la beauté du spectacle et la musique d’Offenbach qui ne comportait pas moins de 31 numéros, particulièrement réussis.
Quoi qu’il en soit, le succès fut là. Après des débuts modestes, les recettes du Roi Carotte devinrent progressivement très bonnes. D’après Schneider, l’exploitation du spectacle s’arrêta à la 149ème représentation. La raison ? On avait promis une prime aux auteurs si l’on atteignait la 150ème ! Jean-Claude Yon, après de soigneuses vérifications, a été en mesure d’affirmer que l’ouvrage avait en réalité tenu l’affiche jusqu’au 28 juillet 1873, totalisant 198 représentations. Malgré la jauge du théâtre (1800 places), les coûts d’investissement et les frais de représentations ne permirent pas au directeur Boulet de rentrer dans ses frais.
Le Roi Carotte n’a jamais été repris à Paris depuis sa création jusqu’en 2008, année au cours de laquelle « Opéra Eclaté » l’a présenté dans une nouvelle production mise en scène par Olivier Desbordes (Théâtre Silvia Monfort).
Autre reprise en 2012, au Grand Théâtre d’Asnière-su-Seine, sous la direction de Laetitia Trouvé, ainsi que celle en 2015, à l’Opéra de Lyon, sous la direction de Victor Aviat et dans la mise en scène de Laurent Pelly, dans une version réduite.
Pour mémoire, signalons les représentations données à Amsterdam en 1990 en néerlandais (« Opérette » n°77).
L’ARGUMENT :
Acte I : C’est incognito que le prince Fridolin se rend dans une brasserie de sa bonne ville de Krokodine afin d’observer la princesse Cunégonde qu’il doit épouser… pour remettre ses finances à flot. C’est également incognito que la princesse, qui a des manières de femme « libérée » avant la lettre, arrive pour se rendre compte si le prince qu’on lui réserve lui plait. Ailleurs, dans un grenier en ruines, la sorcière Coloquinte retient prisonnière Rosée-du-Soir, jeune princesse amoureuse de Fridolin. La jeune fille est délivrée par le génie Robin-Luron.
Retour au château : Fridolin et Cunégonde font connaissance. Mais le drame couve : bientôt les armures ancestrales se révoltent et jettent par les ouvertures de leurs casques des lueurs rougeâtres en maudissant Fridolin qui gouverne mal. Frayeur générale et replis dans le jardin. Coloquinte fait surgir le repoussant Roi Carotte, avec une grande suite dansante de légumes ensorcelés. Toute la cour prend parti pour eux et les armures des ancêtres, animées, bannissent le pauvre Fridolin. Grâce aux pouvoirs de Coloquinte, Carotte s’empare du trône et gagne le cœur de Cunégonde.
Acte II : Fridolin se réfugie dans une auberge accompagné de son seul conseiller resté fidèle, le dévoué Truck et de Robin-Luron. Ils sont rejoints par Rosée-du-Soir qui vient aider le prince. Fridolin s’en va consulter le vieux magicien Quiribibi qui lui conseille de s’emparer de l’anneau de Salomon, vu pour la dernière fois à Pompéi avant sa destruction, il y a dix-huit siècles. Grâce à la lampe magique de Quiribibi, le Pompéi d’antan réapparaît. Le petit groupe parvient à récupérer l’anneau tandis qu’une éruption spectaculaire du Vésuve accompagne leur fuite.
Acte III : Retour au palais où Carotte règne en despote. Fridolin et ses amis arrivent déguisés en colporteurs. Le prince qui se croit aimé de Cunégonde lui révèle son identité. La jeune femme, sur les conseils de Coloquinte lui vole l’anneau. Fridolin et Truck sont engloutis. Robin-Luron offre à Rosée-du-Soir un trèfle à quatre feuilles avec lequel elle pourra émettre quatre vœux qui seront exaucés.
Premier vœu : rejoindre Fridolin que Coloquinte a fait enrôler dans une fourmilière géante.
Second vœu : il permet à Fridolin et les siens de fuir vers l’île des Singes tandis que Rosée-du-Soir est faite prisonnière par les abeilles !
Acte IV : L’embarcation de Fridolin fait naufrage et le prince se retrouve seul avec Rosée-du-Soir qu’il commence à bien apprécier. Le 3ème vœu permet de retrouver, au pays des Singes, Truck et Robin-Luron. Ce dernier capture le chef qui doit les aider à se débarrasser de Carotte.
Quelques mésaventures supplémentaires précèdent le retour à Krokodine où Carotte s’est « défraîchi » entre-temps. Sur la place du marché où le peuple apparaît mécontent, Robin-Luron jette de la « poudre de zizanie ». Les événements se précipitent. Fridolin prend la tête de la révolte, Le Roi Carotte est englouti sous terre, entraînant avec lui Coloquinte ; le peuple est en liesse, Fridolin retrouve son trône et épouse Rosée-du-Soir.
Sources :
« Offenbach » par Louis Schneider (Librairie académique Perrin, 1923).
« Jacques Offenbach » par Jean-Claude Yon (Gallimard, 2000).
« Le Roi Carotte » : article de Robert Pourvoyeur (« Opérette » n°146).
LA PARTITION :
Ouverture
Acte I
Chœur des Bourgeois « Le ciel bleu rougit comme braise » et Chœur d’étudiants et étudiantes : « Place à nous, bon tavernier » ; Rondeau de l’étudiant « Etudiant de cette ville » (Robin) ; Rondeau de la princesse « Fruit des vieilles habitudes » (Cunégonde) ; Scène et Chœur « Amis, la retraite retentit là-bas » (Fridolin) ; Romance des fleurs : « Petites fleurs que j’ai vu naître » (Rosée-du-Soir) ; Duetto de la boule « Quand cette vieille qui vous surveille » (Robin, Rosée) ; Scène et choeur « Les armures » ; Evocation (Cunégonde) ; Chœur « Jour d’allégresse ! » ; Finale « Quel bruit ?» (Tous).
Acte II
Entr’acte ; Choeur « Jardiniers et jardinières » ; Couplets du diplomate « Un astre nouveau nous éclaire » (Pipertrunck) ; Farandole ; Quatuor des ruines « Débris dont l’aspect nous transporte » (Rosée, Robin, Fridolin, Pipertrunck) ; Choeur et Marche « Pompéï restaurée » ; Ronde des chemins de fer « Dans ce grand temple des voyages » (Fridolin, Robin, Truck, Pipertrunck, Rosée-du-Soir).
Acte III
Entr’acte ; Scène « Arrêtez-vous ici, de grâce » (Koffre, Truc, Schopp, Pipertrunck, le roi) ; Ronde des colporteurs « Nous venons du fin fond de la Perse ! » (Robin, Rosée puis Pipertrunck) ; Duo « Vers ce gnôme que j’abhorre » (Fridolin, Cunégonde) et ensemble « Ah ! le voile se déchire » ; Romance du trèfle « Petite feuille verte à qui ma destinée » (Rosée) ; Choeur des fourmis « Noirs escadrons » ; Marche et choeur des insectes « Rangeant la foule qui regarde » ; Ballet : Andante, valse et apothéose.
Acte IV : Entr’acte ; Romance de l’amour « L’amour, c’est ton jeune courage » (Fridolin) ; Couplet du panache « Mon gros chéri, mon petit Roi » (Cunégonde) ; Chœur « Le marché s’anime » ; Scène et Choeur « La révolte » ; Final « »Voici, voici le roi Carotte » (tous).
FICHE TECHNIQUE :
Le Roi Carotte
Opéra bouffe féerie en 4 actes et 18 tableaux. Musique de Jacques Offenbach, paroles de Victorien Sardou. Création à Paris, théâtre de la Gaîté le 15 janvier 1872. Avec :
Zulma Bouffar (Robin-Luron, rôle travesti), Anna Judic (Princesse Cunégonde), Mme Sevestre (Rosée-du-Soir), Mme Mariani (Coloquinte), Masset (Fridolin XXIV), Vicini (le Roi Carotte), Soto (Pipertrunck), Alexandre (Truck), Aurèle (Quiribibi).
Il existe une « version opérette » de cette oeuvre en 3 actes et 11 tableaux, dérivée de la partition originale par suppression de certains tableaux et numéros. Nous ignorons si cette version a été jouée.
Répertoire Choudens
DISCOGRAPHIE :
Néant. Il s’agit même de l’un des rares ouvrages d’Offenbach qui n’ait pas été enregistré par l’ORTF.
© Académie Nationale de l’Opérette août 2016