MAILLART AIME
. AIME MAILLART1817 – 1871 I. BIOGRAPHIE |
BIOGRAPHIE :
Le nom de Aimé Maillart, compositeur célèbre du milieu du XIXe siècle, n’est plus lié aujourd’hui qu’aux seuls Dragons de Villars, délicieux opéra-comique en trois actes qui marqua le sommet de sa carrière et fut très souvent repris avant de tomber dans un oubli presque total. Il serait donc judicieux de remonter cet ouvrage, créé à l’Opéra Comique en 1856. Si la firme Universal a ressorti un bon enregistrement de l’ouvrage (1), Maillart reste un compositeur quasiment inconnu. Redécouvrons ses autres oeuvres que le succès des Dragons de Villars a complètement occultées, oeuvres assez peu nombreuses mais dont plusieurs avaient eu une audience internationale.
Un premier grand prix de Rome
C’est à Montpellier que naquit, le 24 mars 1817, Louis Maillart, qui préférait se faire appeler Aimé. Bien qu’issu d’une famille de comédiens, son père monta sur scène en province et l’un de ses frères joua pendant une vingtaine d’années les rôles de jeune premier à la Comédie Française, Aimé Maillart préféra se tourner vers la musique. Après de premières études faites à Montpellier, il se rendit à Paris et, à seize ans, entra au Conservatoire où il eut pour professeurs Halévy, Guérin pour le violon, Elwart pour l’harmonie et Leborne sous la houlette duquel il obtint en 1838 un premier prix de fugue et de contrepoint. Enfin, en 1841, il remporta le Premier Grand Prix de Rome avec la cantate Lionel Foscari. Après les deux années de séjour dans la capitale italienne, il parcourut l’Allemagne pour parfaire sa culture musicale puis se fixa à Paris.
Les premières oeuvres.
Désirant se consacrer à la musique lyrique, il lui fallut attendre plusieurs années avant de trouver un livret qui lui convint. Celui de Gastibelza ou Le fou de Tolède, opéra dramatique en 3 actes inspiré d’une ballade de Victor Hugo (déjà mise en musique par Monpou), lui fut apporté par d’Ennery et Eugène Cormon. En voici le sujet :
Dans le palais du comte Saldagne, Gastibelza, le chasseur à la carabine, assiste à une fête donnée au roi d’Espagne et y aperçoit Doña Sabine, qu’il aime, et qui s’est introduite là dans l’espoir de récupérer des papiers prouvant l’innocence de son père accusé du meurtre du fils du roi. Comme elle porte au doigt l’anneau du souverain, notre héros la croit infidèle et, devenu fou, s’empare des dits papiers. Au moment où s’apprête le supplice du père, Gastibelza retrouve la raison et par la même occasion les papiers qu’on croyait perdus.
L’oeuvre fut créée le 15 novembre 1847 lors de l’inauguration de l’Opéra National, théâtre fondé par Adolphe Adam pour aider les jeunes compositeurs n’arrivant pas à se faire jouer sur la scène de l’Opéra. Chantée par MM Chenets, Junca, Pauly, Fosse, Delsarte, Mlles Couraud et Hetzel – ainsi qu’ Hervé, alors à ses débuts, et son compère Kelm – elle connut un joli succès et fut donnée à Anvers et à La Nouvelle-Orléans l’année suivante, à Bruxelles en 1849 et même à Buenos Aires en 1854. La partition révélait un compositeur prometteur, notamment avec le trio du premier acte aux accents dramatiques excellents, le choeur ironique des seigneurs et, au troisième acte, l’air pathétique de Gastibelza.
Cette réussite lui valut une commande de l’Opéra-Comique, Le Moulin des tilleuls, qui deux ans plus tard, obtint lui aussi un vif succès. Créée le 9 novembre 1849, cette bergerie en un acte de Julien de Maillan et Cormon fut la bienvenue en apportant sa fraîcheur et sa naïveté aux Parisiens qui sortaient à peine de deux années terribles marquées par la guerre civile de 1848 et par le choléra. Si elle avait peu d’intérêt dramatique – les personnages principaux en étaient Trichard, le fermier du moulin des Tilleuls, le sergent Robert du régiment de Champagne et deux villageoises – elle permettait à Maillart de s’exercer dans les styles militaire et champêtre. Parmi les airs remarqués : les couplets du sergent, aux effets orchestraux ingénieux, la pastorale « A mes moutons », naïve et bien rendue et la romance distinguée « Loin du pays ». Les créateurs en étaient MM Hermann-Léon, Sainte-Foy et Mlles Lemercier et Meyer. La pièce eut 47 représentations en trois ans.
La Croix de Marie, opéra-comique en 3 actes de Lockroy et d’Ennery, créé salle Favart le 19 juillet 1852, déconcerta quelque peu les spectateurs à cause d’un livret qui correspondait mal au cadre du théâtre, l’intrigue transposant à la scène une légende bretonne qui mêlait sombre mysticisme et fantastique. L’oeuvre semblait d’ailleurs mal définie et son titre varia au cours des répétitions, tour à tour Le Baiser de la Vierge, La Vierge de Kerno pour finalement s’arrêter à La Croix de Marie. Selon un contemporain, « la musique reflétait ces influences diverses qui en compromettaient l’ordonnance et en faisaient paraître le style « tourmenté » mais elle comportait plusieurs pages vraiment distinguées comme la romance de Marie, la perle de la partition, délicieuse de grâce et de naturel, un choeur de buveurs plein de franchise et un duo charmant. » Mais devant l’indifférence du public, l’oeuvre ne dépassa pas les 28 représentations et ne fut jamais reprise.
Sans doute quelque peu déçu, Maillart se tut pendant plusieurs années. Peu ambitieux et jouissant d’une certaine aisance, il n’était guère stimulé par la nécessité. De plus, travaillant lentement et seulement quand cela lui plaisait. Un de ses collaborateurs a raconté qu’il lui était arrivé de l’inviter par surprise à la campagne, de le mettre sous clef et de refuser de le laisser partir avant qu’il n’eût achevé telle besogne désignée. Maillart, alors confus et résigné, se laissait enfermer et, comme il était doué d’une grande facilité d’écriture et d’imagination, il avait vite fait de noircir les pages pour reconquérir sa liberté.
Ce silence s’acheva cependant par la composition de son oeuvre maîtresse, dédiée à sa mère :
Les Dragons de Villars.
Les trois actes de Lockroy et Cormon étaient destinés à l’Opéra-Comique mais le directeur, Emile Perrin, refusa la pièce, la trouvant trop sombre. Le directeur du Théâtre Lyrique l’ayant refusée à son tour, l’oeuvre fut remisée pendant quelque temps jusqu’ à ce que le nouveau directeur, Carvalho, qui avait une profonde estime pour le compositeur, l’accepta avec enthousiasme et pressa Maillart d’en terminer l’orchestration.
Trop sombre le sujet ? Le livret, qui situe l’action en 1704, dans un village de la montagne de l’Estérel à la fin de la guerre des Cévennes, évoque en effet les massacres et les conversions forcées des protestants sous le règne de Louis XIV, les tristement célèbres dragonnades du maréchal de Villars.
Cependant cet aspect sévère est essentiellement utilisé comme toile de fond à une intrigue légère, parfois poétique, amusante et même proche de l’opérette il n’apparaît qu’au final du second acte avec la fuite des proscrits et au final du trois où le héros est près d’être fusillé. (voir fiche)
A la création, le 19 septembre 1856, l’œuvre connut un succès énorme et immédiat. Elle était interprétée par Juliette Borghèse, Mlle Girard, Girardot, le ténor Scott et Grillon. Puis elle gagna la province. Elle eut également un grand retentissement à l’étranger, puisqu’elle fut donné en Belgique, en Allemagne et en Autriche (sous le titre de Das Glöckchen des Eremiten : La clochette de l’ermite), en Angleterre (sous le nom de Fadette), en Espagne, à New York, Milan, Mexico, Saint-Pétersbourg… et fut chantée aussi bien en français que dans des traductions allemande, suédoise, espagnole, danoise, italienne, anglaise, hongroise, croate, norvégienne, polonaise et russe !
La musique, à laquelle le public fit un triomphe, ne déplut pas trop aux critiques. L’un d’eux écrivit par la suite: « Quant à la partition d’Aimé Maillart… elle a toujours été à prendre ou à laisser, avec ses réminiscences… et son abus des cuivres. On la prend néanmoins et, somme toute, on ne se repent guère d’avoir cédé à ses séductions. Sans rappeler tant de morceaux devenus promptement célèbres tels que la romance fameuse « Ne parle pas, Rose je t’en supplie », le duo du deuxième acte « Moi, jolie ? » si délicat, si candidement ingénu, avec son rayon de poésie douce et vraie, suffirait seul pour désigner l’auteur comme un musicien de mérite. » Citons également la piquante chanson des mules et le grand air de Rose au troisième acte « Il m’aime, espoir charmant » avec ses trois sections distinctes comme les grands airs de Verdi. Quant à l’ouverture, primesautière et cocardière, établissant d’emblée un climat où la gaieté la plus débridée le dispute à la tendresse, elle était devenue un morceau de bravoure des concerts populaires avec ses sonneries de trompette et son final enlevé. Douze ans après leur création, n’ayant pas encore épuisé leur succès, Les Dragons entraient enfin à l’Opéra-Comique, le 6 juin 1868, où ils connurent encore 377 représentations.
Maillart connaissait enfin une réelle célébrité qui lui valut, en août 1860, d’être décoré de la Légion d’Honneur, et lui ouvrit les salons mondains même si Maillart, qui possédait une réputation d’original, redoutait les importuns et n’aimait pas que le monde abusât de son talent.
Les derniers opéras
Maillart était alors à l’apogée de sa gloire mais, sans doute plus doué pour maîtriser les pièces légères que pour brosser de sombres fresques, il ne retrouva pas le même succès avec ses deux derniers ouvrages.
Les Pêcheurs de Catane, drame lyrique en 3 actes de Cormon et Michel Carré, vaguement inspiré du roman de Lamartine, Graziella (1852), fut créé le 19 décembre 1860 au Théâtre Lyrique.
A Catane, la jeune villageoise Nella, attirée par les protestations d’amour d’un jeune seigneur, Fernand, finit par le préférer à son ami d’enfance, le bon et fidèle Cecco. Lorsqu’elle apprend que Fernand est officiellement fiancé à Carmen, une personne de son rang, elle se retire dans un couvent. Avant de prononcer ses voeux, elle accepte de revoir le jeune seigneur qui s’est enfin décidé à l’épouser mais, frappée au coeur, elle meurt. Quant aux pêcheurs du titre, ils n’interviennent de façon épisodique que pour fournir des éléments de mise en scène et des choeurs au compositeur.
Dans la partition qui fut jugée colorée, vive et instrumentée avec talent, on remarqua au premier acte : le choeur « Enfants de l’Etna », un bon quintette, des airs de danses charmants, et la marche des soldats ; pour le second acte : la romance « Du serment qui m’engage », et la tempête du final, pour le troisième, le premier choeur. Les interprètes en étaient : MM Peschard, Balanqué, Girardot et Mlles Baretti, Faivre et Mme Vadé. Traduits en allemand, Les Pêcheurs de Catane furent joués à Hambourg et à Berlin.
Trois ans et demi plus tard, Maillart faisait représenter Salle Favart une oeuvre qui lui tenait à coeur, Lara, un opéra-comique en trois actes de Cormon et Carré inspiré de deux poèmes célèbres de Byron, Le Corsaire et Lara. Lara ne désigne pas ici un prénom féminin mais le nom du sombre héros, ainsi mis en scène.
Après dix ans d’absence pendant lesquelles il a mené une vie de forban sous le nom de Conrad, Lara revient au château paternel fidèlement gardé par un vieux serviteur. Il ramène avec lui Kaled, une jeune esclave habillée en homme qui éprouve pour lui un amour passionné. Cependant Lara se montre sensible aux charmes de sa cousine, la jeune comtesse de Flor, ce qui provoque la jalousie de Kaled. Dépitée, elle confie le secret de son maître à Ezzelin, seigneur également épris de la comtesse, qui le révèle à tous lors d’une grande soirée.
Insulté dans sa demeure et accusé de voler un nom qui ne lui appartient pas, Lara n’a plus qu’à défendre son honneur, les armes à la main. Mais, dans la nuit qui précède le duel, il se revoit en rêve tel qu’il était naguère, Conrad le forban. A son réveil, il rougit en lisant le testament de son père qui lui léguait son épée à condition de la briser plutôt que de la tirer pour une cause injuste ou pour soutenir un mensonge. Au lieu de se battre, Lara renonce à sa fortune, cède la place à son rival et, appuyé sur l’épaule de Kaled, dont il a reçu l’aveu et pardonné la faute, reprend tristement le chemin de l’exil.
Créé le 21 mars 1864 à l’Opéra-Comique par MM Montaubry, Gourdin, Crosti, Mme Galli- Marié et Mlle Baretti, Lara obtint un certain succès mais pas celui escompté par Maillart qui souffrit des critiques, notamment celles de Berlioz qui, avec son élégance habituelle, rebaptisa l’oeuvre Lara Tatouille. Cependant, toujours selon la même source (2), Maillart avait traité son sujet avec une réelle noblesse, réussissant plusieurs scènes entraînantes, et avait doté sa partition d’un grand nombre de pages remarquables : au premier acte, un beau choeur d’hommes, la ballade « On te pendra » et les couplets « Comme un chien fidèle » ; au second, l’air énergique : « Quand un Lara partait en guerre » la romance « D’un passé qui s’efface », la grande scène de Kaled, la meilleure de tout l’ouvrage avec la chanson arabe « A l’ombre des verts platanes » et au troisième, le tableau du rêve.
L’oeuvre connut 90 représentations à l’Opéra-Comique et une belle carrière à l’étranger : Bruxelles, Barcelone, Varsovie (traduite en polonais), Prague, Leipzig, Cologne, Stuttgart… (en allemand) et Londres (en anglais).
Meurtri par ce qu’il considérait comme un échec, Maillart n’écrivit plus rien pendant les sept ans qui lui restaient à vivre, menant une existence consacrée aux plaisirs qui bientôt ruinèrent sa santé. Il tenta de se rétablir au soleil d’Antibes, où il séjourna quelque temps puis, ayant fui Paris devant l’invasion prussienne de 1870, il se réfugia chez un ami à Moulins dans l’Allier, où il mourut le 26 mai 1871. Tout comme celles d’Auber, décédé 14 jours avant lui, ses funérailles passèrent sans doute inaperçues dans la tourmente de la guerre.
1) Cette belle version réunit, sous la baguette de Richard Blareau, Suzanne Lafaye, Andrée Esposito, André Mallabrera, Julien Hass et Pierre Héral. Elle est cependant amputée du long final du second acte et des deux premiers airs du trois.
2) Citation tirée de L’Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire.
Extrait de l’article de Bernard Crétel paru dans Opérette n° 143
REFERENCES :
Vous retrouverez Aimé Maillart dans » Opérette » n° 60, 143,
Si vous ne possédez pas ce numéro, vous pouvez le commander à l’ANAO (voir la page Anciens numéros).
OEUVRES LYRIQUES :
Nota : Bien que « Opérette » et son site s’intéressent essentiellement au théâtre lyrique de divertissement (opérette, opéra-comique, comédie musicale…), il nous a semblé utile, à des fins de référence, de donner, dans le(s) tableau(x) ci-dessous, la liste la plus précise et complète possible des oeuvres lyriques de ce compositeur, en y incluant ses ouvrages dits « sérieux » (opéra, drame lyrique…)
Légende : o = opéra, oc = opéra-comique, ob = opéra bouffe, obf = opéra bouffon, o ser = opera seria, o buff = opera buffa, dr gioc = dramma giocosa, caa = comédie avec ariettes, o fée = opéra féerie, div = divertissement
Le chiffre indique le nombre d’actes
Création |
Titre |
Auteurs |
Nature |
Lieu de la création |
1847 |
Gastibelza ou Le Fou de Tolède |
D’ Ennery (Adolphe.), Cormon (Eugène) |
o 3 |
Paris, Opéra National |
1849 |
Moulin des tilleuls (Le) |
Mallian (Julien de), Cormon (Eugène) |
oc 1 |
Paris, Opéra Comique |
1852 |
Croix de Marie (La) |
Locroy, d ‘Ennery (Adolphe) |
oc 3 | Paris, Opéra Comique |
1856 |
Dragons de Villars (Les) |
Lockroy, Cormon (Eugène) |
oc 3 |
Paris, Théâtre Lyrique National |
1860 |
Pêcheurs de Catane (les) |
Cormon (Eugène), Carré (Michel) |
oc 3 |
Paris, Opéra Comique |
1864 |
Lara |
Cormon (Eugène), Carré (Michel) |