Messager André
. ANDRÉ MESSAGER1853 – 1929 I. BIOGRAPHIE Articles associésOEUVRES ASSOCIEES L’amour masqué REVUES ASSOCIEES Revue n°29 |
BIOGRAPHIE :
» Élégance, charme et grâce » : comment échapper à l’excellente formule de Widor pour résumer l’art d’André Messager, qui fut vraiment l’un des plus grands compositeurs de l’école française d’opérette classique, mais qui de plus, a joué dans l’histoire de la musique en général, en France, un rôle prépondérant, tout en modernisant l’opérette et en l’ouvrant à des courants nouveaux. Chef d’orchestre prestigieux et directeur de théâtre éclairé, faisant preuve d’un éclectisme particulièrement fécond, il a propagé en France la musique de compositeurs importants mais ignorés, appartenant aux écoles les plus diverses, soit en les réhabilitant ou en les faisant redécouvrir, soit en contribuant puissamment à dissiper les grotesques préjugés qui s’étaient entassés contre eux.
Les débuts d’André Messager
André Messager est né à Montluçon (Allier) le 30 décembre 1853. Dans sa famille, aisée à l’époque de sa naissance, on ne rencontre pas de musicien. C’est donc en dehors d’elle que se dessinera sa vocation. Il fait ses études chez les pères maristes où lui sont données quelques leçons de piano. Il a 14 ou 15 ans lorsqu’il reçoit les leçons d’un véritable professeur. Brusquement ruinés, les parents du jeune Messager ne peuvent plus envisager pour leur fils de longues et coûteuses études. Ils obtiennent toutefois une bourse qui permet au jeune homme, alors âgé de 16 ans, d’entrer à l’école Niedermeyer. Messager apprend son métier dans d’excellentes conditions avec Gigout puis Saint-Saëns comme professeurs.
Il quitte l’école Niedermeyer en 1874. Pour gagner sa vie, il devient organiste à Saint-Sulpice. Pendant 10 ans, il s’en tiendra à ce métier de musicien pauvre. Cherchant de l’argent, il participera toutefois à plusieurs concours. Ainsi, en 1875, il compose une symphonie pour grand orchestre avec laquelle il obtient le prix attribué par la Société des Auteurs et Compositeurs. Cette œuvre est donnée en 1878 aux Concerts du Châtelet, dirigés par Colonne. Il compose également à cette époque deux cantates « Prométhée enchaîné » et « Don Juan et Haydée ». Il se produit pendant une courte période à l’Eden-Théâtre de Bruxelles, où il apprend la direction d’orchestre. En 1884, il tient le grand orgue de Saint-Paul-Saint-Louis puis, en 1882, il est maître de Chapelle à Sainte-Marie les Batignolles, où il a Claude Terrasse comme assistant.
Débuts au théâtre
Mais le théâtre est le débouché le plus fructueux pour un jeune musicien, à condition d’être connu. Pour ce faire, il accepte la place de chef d’orchestre et de compositeur attitré de ballets aux Folies-Bergère. Quelques-uns de ses ballets, particulièrement attrayants, le font remarquer de l’éditeur Enoch qui lui demande de terminer l’opérette François-les-Bas-Bleus commencée par Firmin Bernicat, jeune musicien talentueux qui vient de mourir. Messager s’acquitte de sa tâche en composant 13 des 25 morceaux de l’ouvrage, en en terminant quelques-uns et se chargeant de l’orchestration. François-les-Bas-Bleus est représenté avec succès le 8 novembre 1883. Le livret raconte les amours de François, jeune écrivain public et de Fanchon, chanteuse des rues, qui est en réalité la fille du marquis de Pontcornet, noble devenu révolutionnaire. L’action se déroule en 1789 au moment de la prise de la Bastille.
Quelques mois avant la création, Messager a épousé une vague cousine par alliance, Mlle Edith Clouet. Il fait également paraître un recueil de 5 mélodies « Nouveau printemps ». Messager commence à sortir de l’incognito, les théâtres s’ouvrent devant lui. Ses premiers succès : les opérettes La Fauvette du Temple et La Béarnaise. Les deux ouvrages sont créés à un mois d’intervalle. Le premier aux Folies-Dramatiques, le 17 novembre 1885, le second aux Bouffes- Parisiens, le 12 décembre 1885.
La Fauvette est une opérette militaire qui se déroule à l’époque de la conquête de l’Algérie par Bugeaud. Le public parisien, cocardier en diable, fait de cet ouvrage un succès (190 représentations).
La Béarnaise, qui ne manque pourtant pas de qualités, fait une carrière plus modeste, malgré la présence de la divine Jeanne Granier (64 représentations). Envoyé à la cour de Parme par Henri IV pour avoir lutiné Gabrielle d’Estrées, le capitainePerpignac est mis en quarantaine : pas de femmes. Sa cousine Jacquette, amoureuse de lui, arrive à la cour et apprenant la punition se travestit et devient Jacquet. Les quiproquos se succèdent allègrement jusqu’au dénouement prévisible : Jacquette épouse Perpignac.
Messager est désormais lancé. Grâce à Saint-Saëns, l’Opéra de Paris accueille son ballet, Les Deux pigeons, composé dans le style des oeuvres de Delibes, alternant la grâce et la vigueur.
Les deux pigeons de la fable sont devenus deux amoureux Gourouli et Pépio, vivant dans une contrée qui pourrait être sur la côte de la Thessalie. Envoûté par les beaux yeux d’une gitane, Pépio est prêt à la suivre jusqu’au bout du monde. Après bien des déboires, le jeune homme rentre chez lui repentant.
Créé le 18 octobre 1886, , sur une chorégraphie de Mérante, le ballet connaît un très vif succès.
Cette réussite ne peut cependant faire oublier l’échec du Bourgeois de Calais, opéra-comique en 3 actes donné aux Folies-Dramatiques le 6 avril 1887 (15 représentations). La pièce se déroule sous le règne de Henri II au moment du célèbre épisode de la reprise de la ville de Calais aux Anglais par le duc de Guise. Messager est très affecté par cet échec.
On fait à nouveau appel à lui pour adapter et compléter un autre ouvrage de Bernicat, Les Beignets du Roi, créé à Bruxelles en 1882. L’ouvrage, renommé Les premières armes de Louis XV , est donné aux Menus Plaisirs début 1888. A cette occasion, Messager fait la connaissance d’Albert Carré, l’auteur du livret, et une solide amitié unit bientôt les deux hommes, débouchant sur de nombreux succès artistiques communs.
Isoline, conte de fée lyrique créée le 26 décembre 1888 à la Renaissance, est bien accueillie. Isoline est la filleule de la fée Titania, elle même en mauvais termes avec son époux, le magicien Obéron, qui décide de jouer un tour de sa façon à Isoline : lorsqu’elle se mariera, elle sera immédiatement changée en garçon. Bien entendu, Isoline tombe amoureuse du prince Isolin. Titania veut empêcher le mariage, Obéro entend le précipiter. Après maintes péripéties, le mariage aura lieu mais Titania, transformant Isolin en fille, sauvera la situation.
La musique de Messager se caractérise par l’élégance et la distinction de ses phrases mélodiques et la superbe partition du ballet fut très longtemps jouée séparément au concert.
Un an plus tard, Le mari de la Reine, opérette sans grand intérêt donnée aux Bouffes parisiens est un nouvel échec.
Une décennie contrastée
Après la période difficile qu’il vient de traverser, Messager obtient une éclatante revanche avec la création à l’Opéra-Comique de La Basoche (30 mai 1890), sur un livret d’Albert Carré.
L’action se déroule au XVIe siècle, au moment où la jeune Marie d’Angleterre vient en France épouser le roi Louis XII. Clément Marot est élu « roi de la Basoche ». Marie, qui parcourt Paris incognito, rencontre Clément et tombe amoureuse de lui d’autant qu’elle pense qu’il est réellement le roi. Clément est l’époux de Colette qu’il a tenu à l’écart de sa « royauté », car celle-ci n’est accordée qu’à un célibataire. Colette survient et est persuadée que son mari est le roi de France. Il faudra bien trois actes pour démêler cette situation rocambolesque ! (voir fiche)
La Basoche est, sans contexte, l’une des oeuvres les plus réussies de Messager. Jusqu’en 1939, elle sera régulièrement reprise salle Favart. Pour la petite histoire, rappelons que le baryton Lucien Fugère, alors âgé de 42 ans, chante le duc de Longueville et, pendant 40 ans, en sera l’irremplaçable interprète.
Après le succès de La Basoche, on attend beaucoup de Messager. Trop sans doute, car les ouvrages qui suivent ne tiennent d’abord pas les promesses. Messager, qui a besoin d’argent, travaille souvent sur commande et ne donne pas le meilleur de sa production. De plus, il a des ennuis sentimentaux et divorce.
Madame Chrysanthème (Renaissance, 26 janvier 1893) est une œuvre plus ambitieuse. Précédant de près de dix ans Madame Butterfly, cette comédie lyrique en 4 actes d’après l’œuvre de Pierre Loti, raconte les amours malheureuses de Chrysanthème et de l’enseigne de vaisseau Pierre. L’ouvrage ne se joue qu’une dizaine de fois. Pour Henry Février, la responsabilité en incombe en partie au scénario insuffisant, quoique de bonne tenue mais dépourvu de trouvailles scéniques autant que de dynamisme. De plus, le lieu de création n’est sans doute pas idéal pour un tel ouvrage.
À la fin de la même année, le Nouveau-Théâtre propose Miss Dollar. La pièce raconte les amours contrariées d’une américaine jeune et riche à qui l’oncle tente d’imposer un parti plus avantageux que Gaétan, l’homme de sa vie. Le tonton finira par céder.
Un scénario assez conventionnel mais relevé par une musique qui, comme toujours chez Messager, ne manque ni de finesse ni de distinction ; de plus la partition comprend un important ballet, mais Miss Dollar ne fait pas une grande carrière.
C’est au Savoy-Theater de Londres, le 3 juillet 1894, que Messager donne son opérette suivante, Mirette. L’ouvrage est composé en collaboration avec Miss Hope Temple, connue dans les salons londoniens comme compositrice de « songs ». Messager, qui a divorcé quelque temps auparavant, épousera d’ailleurs bientôt cette jeune musicienne… pour en divorcer quelques années plus tard. Mirette se joue une soixantaine de fois mais ne sera jamais donnée sur une scène française.
Messager fait alors de fréquents déplacements Londres-Paris, ce qui ne l’empêche pas de composer La fiancée en loterie et Le chevalier d’Harmental. La première de ces oeuvres, créée le 15 février 1996 aux Folies-Dramatiques, livret amusant, partition réussie et interprétation de haut niveau (Jean Périer, Armande Cassive, Vauthier) ne s’impose pourtant pas.
Le Chevalier d’Harmental, d’après Alexandre Dumas, est créé à l’Opéra-Comique le 5 mai 1896. Dans « Musica » (septembre 1908), le compositeur écrit : « Ce dernier ouvrage, auquel j’avais travaillé longuement, l’ayant commencé trois ans auparavant, tomba lamentablement, et sa chute me fut d’autant plus pénible que j’y attachais une grande importance et pensais avoir donné là toute la mesure de ce que je pouvais faire. J’étais tellement découragé par cet insuccès que je ne voulais plus écrire du tout et tentai de me retirer en Angleterre… ».
Les grands succès
Messager est d’ailleurs à Londres lorsqu’il reçoit le livret des P’tites Michu. Le sujet, dû à Albert Vanloo et Georges Duval, le séduit et il oublie vite sa récente déconvenue. Il se met au travail et en trois mois termine l’ouvrage qui est créé sur la scène des Bouffes-Parisiens, le 16 novembre 1897 avec un énorme succès qui se prolonge pendant 150 représentations. (voir fiche)
On ne change pas une équipe qui gagne, c’est bien connu, aussi, l’année suivante, sur la même scène, nos auteurs donnent l’ouvrage le plus célèbre de Messager : Véronique (10 décembre). Deux cents représentations consécutives avec une distribution incomparable, dominée par Jean Périer (le futur Pelléas), Mariette Sully et Anna Tariol-Baugé, dont la notoriété s’est maintenue dans la mémoire collective. (voir fiche)
Au cours de cette dernière décennie du XIXe siècle, on citera encore la musique de scène (en collaboration avec Xavier Leroux) de La montagne enchantée, pièce fantastique, la pantomime Le Procès des roses et les ballets Le Chevalier aux fleurs (avec Raoul Pugno, 1897) et Une aventure de la Guimard (1900).
Un chef d’orchestre remarquable
Parallèlement à celle de compositeur, la carrière de chef d’orchestre de Messager prend son envol. Certes, il avait déjà dirigé, mais à Marseille en 1892, comme chef wagnérien en dirigeant La Walkyrie. Pour Madame Chrysanthème comme pour Mirette, il est également au pupitre et ses prestations laissent présager le Messager qui allait bientôt exceller à la tête des plus prestigieuses formations.
Le 1er janvier 1899, Albert Carré est nommé directeur de l’Opéra-Comique et choisit André Messager comme directeur de la musique. Choix heureux, puisque avec une humilité qu’il faut souligner, Messager, de 1899 à 1903, sacrifie en partie sa carrière de compositeur pour se mettre au service de la musique de ses confrères, en particulier, les compositeurs français. C’est ainsi que sous l’impulsion de Messager seront créés au cours de cette période des ouvrages lyriques tels que Fervaal de Vincent d’Indy, La Fille de Roland d’Henri Rabaud, Louise de Gustave Charpentier, Grisélidis de Massenet et surtout Pelléas et Mélisande de Debussy. Les critiques sont unanimes pour reconnaître ses qualités de chef.
De nouvelles partitions
En 1903, Messager quitte l’Opéra-Comique et se rend souvent en Normandie avec sa femme et sa fille. C’est l’époque au cours de laquelle il compose Les Dragons de l’Impératrice (1905) qui forment avec Les P’tites Michu et Véronique une sorte de trilogie.
Ces Dragons racontent la rivalité amoureuse des Gardes de l’Empereur Napoléon III et des Dragons de l’Impératrice, en particulier celle du beau Dragon Saint-Gildas et du non moins séduisant Des Glaïeuls. La douzième conquête de Saint-Gildas sera sa propre épouse (masquée pour l’occasion) qui s’était juré de reconquérir un mari qui la dédaignait. La création a lieu le 13 février 1905 aux Variétés
Madame Chrysanthème (Renaissance, 26 janvier 1893) est une œuvre plus ambitieuse. Précédant de près de dix ans Madame Butterfly, cette comédie lyrique en 4 actes d’après l’œuvre de Pierre Loti, raconte les amours malheureuses de Chrysanthème et de l’enseigne de vaisseau Pierre. L’ouvrage ne se joue qu’une dizaine de fois. Pour Henry Février, la responsabilité en incombe en partie au scénario insuffisant, quoique de bonne tenue, mais dépourvu de trouvailles scéniques autant que de dynamisme (1). De plus, le lieu (théâtre de la Renaissance) n’était sans doute pas idéal pour un tel ouvrage.
En 1907, salle Favart, Fortunio d’après Le Chandelier de Musset s’avère être un modèle de comédie lyrique dans le goût français.
L’histoire en est connue : Le capitaine Clavaroche, homme à bonnes fortunes, arrive en garnison dans une petite ville de province. Il jette son dévolu sur la jeune et belle Jacqueline, épouse du vieux notaire M° André. Jacqueline s’ennuie ferme et se laisse facilement séduire. À deux doigts d’être surpris, les amants choisissent un « chandelier », c’est à dire un amoureux platonique qui détournera les soupçons du barbon : ce sera le jeune clerc Fortunio, sincèrement épris de sa patronne. L’amour sans limites que lui porte Fortunio, prêt à mourir pour elle, finit par toucher Jacqueline, choquée par ailleurs par le manque de scrupules et le cynisme de Clavaroche. M° André est berné, Clavaroche évincé et la belle tombe dans les bras du jeune clerc.
Accueilli favorablement à la création, Fortunio sera régulièrement repris à l’Opéra-Comique (77 représentations jusqu’en 1950).
A partir de 1908, Messager dirige l’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire et, de 1908 à 1914, assure les fonctions de co-directeur de l’Opéra de Paris. En 1914, débarrassé de ses soucis directoriaux, Messager se tourne à nouveau vers la composition.
C’est à Monte-Carlo que sera créée sa légende lyrique, Béatrice, inspirée d’un conte de Nodier et dont les paroles sont dues aux auteurs de Fortunio. La presse est enthousiaste… L’Opéra-Comique accueillera Béatrice en 1917.
Béatrice a fait vœu d’entrer au couvent si son cousin Lorenzo guérit d’une grave blessure. Ayant été exaucée, elle devient religieuse et sa dévotion pour la Vierge fait l’admiration de toutes. Lorenzo s’introduit dans le couvent et, comme malgré son trouble elle refuse de le suivre, il la fait enlever. La Vierge de l’autel prend le physique de Béatrice, se substitue à elle et personne ne s’aperçoit de la disparition de la véritable Béatrice. Le bonheur de Béatrice est de courte durée car elle est bientôt délaissée. Elle cherche alors le plaisir et se rend même dans des milieux mal fanés. Quinze ans plus tard, enlaidie, elle revient au couvent où la Vierge se penche vers elle en lui disant « Je t’attendais ».
Pendant la guerre, Messager conduit toujours l’orchestre des Concerts du Conservatoire. En 1916, il entreprend une tournée en Argentine, où il donne de nombreux concerts et Béatrice est représentée à Buenos-Aires. Le musicien donne également des concerts aux Etats-Unis.
Il faut attendre 1919, à Birmingham d’abord, à Londres ensuite, pour assister enfin à la création d’une nouvelle opérette de Messager, Monsieur Beaucaire, qui obtient une grande réussite tant en Angleterre qu’aux Etats-Unis. Cette opérette « romantique » ne sera donnée dans sa version française qu’en 1925 au théâtre Marigny avec Marcelle Denya et l’incontournable André Baugé. (voir fiche)
1919 est également l’année où il retrouve les fonctions de directeur de la musique à l’Opéra-Comique. Il ne les garde guère plus d’une année mais on lui doit la création sur cette scène de Cosi Fan Tutte.
En 1923, il est nommé Président de la Société des Auteurs et Compositeurs et, en 1926, il est reçu membre de l’Institut.
Les dernières opérettes
Au cours des 8 dernières années de sa vie, Messager ne dirige plus de théâtre et ses talents de chef d’orchestre ne s’exercent plus que rarement. Mais il compose encore et, malgré ses soucis de santé, fait du neuf en mettant définitivement au point la comédie musicale à la française tout en lui donnant ses titres de noblesse. Et cet orchestrateur raffiné va réduire son orchestre aux dimensions des autres opérettes des années folles.
C’est sur la scène du « jeune » théâtre Mogador qu’il renoue avec la création en présentant, le 14 mai 1921, La petite fonctionnaire. « Quel charme, quelle distinction, quelle bonne humeur se dégage de cette partition », pouvait-on lire à l’époque. Le livret d’Alfred Capus et Xavier Roux, par contre, n’innovait guère :
Suzanne, receveuse des Postes à Pressigny, est amoureuse d’un grand nigaud de vicomte qui, malgré son attirance pour la jeune fille, préfère épouser une riche veuve. Dépitée, Suzanne accepte la proposition d’un vieux beau qui lui assure, sans qu’elle lui abandonne ses charmes (situation qui n’existe guère que dans le domaine de l’opérette), une vie de luxe à Paris. Mais Suzanne s’ennuie et regrette son Pressigny, tandis que le mariage du vicomte ne se présente pas comme une réussite. Comme il se doit, le rideau tombe sur une promesse de mariage entre les deux amoureux.
Le succès n’est pas au rendez-vous malgré la présence, en tête de distribution, d’Edmée Favart et Henry Defreyn. La musique de Messager, peut-être trop savante pour le public habituel de Mogador, le manque d’originalité du livret et le choix d’une salle trop vaste pour ce type d’ouvrage, sont les arguments parfois avancés pour justifier l’insuccès relatif de cette Petite fonctionnaire (80 représentations).
C’est avec L’amour masqué (1923), fructueuse rencontre du musicien avec Sacha Guitry, qu’il prend le dernier tournant. Tout d’abord, la proportion du parlé et du chanté se trouve définitivement inversée au profit du parlé. Par ailleurs, les conditions économiques ont changé et le public s’est » démocratisé « , le nombre de personnages se réduit, le chœur est ramené à des proportions étiques. Quant au livret lui-même, son action se situe de façon quasi exclusive dans le milieu parisien contemporain. La liberté de mœurs des années folles se retrouve, elle aussi, dans une intrigue bien plus libre et plus libertine que celle de l’opérette française classique. L’Amour masqué triomphe au théâtre Edouard VII dès le 13 février 1923, avec, en tête d’affiche, l’auteur du livret lui-même et son épouse d’alors, l’exquise Yvonne Printemps. (voir fiche)
Sa nomination à la présidence de la SACD, tâche à laquelle il remplit ses fonctions avec la conscience qu’on lui connaît, malgré de fréquentes crises de coliques néphrétiques, l’éloigne un temps de la scène.
Le 19 janvier 1926, c’est au théâtre de la Michodière que Messager crée sa nouvelle comédie musicale. Passionnément, bien emmenée par l’excellent fantaisiste Koval, est une réussite. « Cette partition est de la manière de L’amour masqué : fine comédie musicale, dont chaque morceau est un bijou d’esprit et d’agrément. » Bien sûr, c’est toujours le Messager d’antan et l’on retrouve dans Passionnément des échos du passé : l’influence de Gabriel Fauré et d’Emmanuel Chabrier (l’Etoile) notamment. Mais par ailleurs, il ne se laisse pas envahir par les rythmes nord-américains comme ses contemporains. L’invention mélodique n’est plus aussi uniformément riche qu’avant, mais a gardé cette suprême élégance, cette distinction si typique et, si elle n’est plus aussi touffue, elle est encore en maints endroits inattendue et ne recourt jamais aux poncifs. (voir fiche).
La même année Messager, malgré de violentes crises de coliques néphrétiques, continue à composer: « J’ai écrit pour me distraire de la musique de scène pour la reprise de Debureau de Sacha Guitry au théâtre Sarah-Bernhardt, amusant à faire, mais délicat », écrit-il à Henry Février.
La maladie continue son œuvre ; une embolie manque de le terrasser, mais une fois encore son état s’améliore et, entre deux crises, il compose la partition de Coups de roulis, opérette en 3 actes créée le 29 septembre 1928 au théâtre Marigny, (voir fiche). « …malgré ses soixante-quatorze ans, Messager avait gardé une fraîcheur et une jeunesse d’inspiration rares chez un homme de cet âge. » (Michel Augé-Laribé)
Mais la maladie ne lui laisse plus de répit et le compositeur quitte ce monde, entouré des siens, le 24 février 1929. Après cinquante années d’une remarquable carrière au service de son art, André Messager, s’en est donc allé, suivant sa propre expression, « voir de l’autre côté, comment on fait de la musique »
Après La Petite Fonctionnaire, avec André Rivoire comme librettiste, Messager avait entrepris de composer une nouvelle comédie musicale inspirée d’Education de Prince de Maurice Donnay. Il avait à peu près écrit le quart de la partition lorsque la comédie fut reprise à l’Odéon. Le projet tomba donc à l’eau, mais vit néanmoins le jour, après la mort de Messager, sous le titre de Sacha. Marc Berthomieu en avait complété la partition et l’ouvrage fut créé à Monte-Carlo en 1930.
OEUVRES LYRIQUES :
Nota : Bien que « Opérette » et son site s’intéressent essentiellement au théâtre lyrique de divertissement (opérette, opéra-comique, comédie musicale…), il nous a semblé utile, à des fins de référence, de donner, dans le(s) tableau(x) ci-dessous, la liste la plus précise et complète possible des oeuvres lyriques de ce compositeur, en y incluant ses ouvrages dits « sérieux » (opéra, drame lyrique…)
Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique, c lyr = comédie lyrique, d lyr = drame lyrique, pant = pantomime, lég lyr = légende lyrique, c = comédie, C: création, vo = version originale, vf = version française
Le chiffre indique le nombre d’actes
Création | Titre | Auteurs | Nature | Lieu de la création |
1882 10 fév |
Beignets du roi (Les) [1° version] [1] | Carré (Albert) | oc 3 | Belgique, Bruxelles, Fantaisies Parisiennes [2° vers. ] Paris 1888 |
1883 8 nov |
François les Bas-Bleus [2] | Dubreuil (Ernest), Humbert (Eugène), Burani (Paul) | opé 3 | Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy) |
1885 17 nov |
Fauvette du Temple (La) | Humbert (Eugène), Burani (Paul) | oc 3 | Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy) |
1885 12 déc |
Béarnaise (La) | Leterrier (Eugène), Vanloo (Albert) | opé 3 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1887 6 avr |
Bourgeois de Calais (Le) | Dubreuil (Ernest), Burani (Paul) | oc 3 | Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy) |
1888 16 fév |
Premières armes de Louis XV (Les) [2° version] [1] | Carré (Albert) | oc 3 | Paris, Menus-Plaisirs (Th.Antoine) [1° vers. ] Bruxelles1882 |
1888 26 déc |
Isoline | Mendès (Catulle) | féerie 3 | Paris, Renaissance |
1889 18 déc |
Mari de la Reine (Le) | Grenet-Dancourt (E.), Pradels (Octave) | opé 3 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1890 30 mai |
Basoche (La) | Carré (Albert) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Th. lyrique) |
1893 30 janv |
Madame Chrysanthème | Hartmann (Georges), Alexandre (André) d’après Loti (Pierre) | c lyr 4 | Paris, Renaissance (Th. Lyrique) |
1893 22 déc |
Miss Dollar | Clairville fils (Charles), Vallin (A.) | opé 3 | Paris, Nouveau-Théâtre |
1893 26 déc |
Amants éternels | Corneau (A.), Gerbault (H.) | pant 3 | Paris, Th. Libre (Th. Antoine) |
1894 3 juil |
Mirette [3] | Carré fils (Michel), Weatherley (de), Greenbank (Percy), Ross (Adrian) | oc 3 | Angleterre, Londres, Savoy |
1896 13 fév |
Fiancée en loterie (La) [4] | Roddaz (Camille de), Douane (A.) | opé 3 | Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy) |
1896 5 mai |
Chevalier d’Harmental (Le) | Ferrier (Paul) d’après Alexandre Dumas et Auguste Maquet | oc 5 | Paris, Opéra-Comique (Th. lyrique) |
1897 12 avr |
Montagne enchantée (La) [5] | Moreau (Emile), Carré (Albert) | d lyr 4 | Paris, Porte-St-Martin |
1897 16 nov |
P’tites Michu (Les) | Vanloo (Albert), Duval (Georges) | opé 3 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1898 10 déc |
Véronique | Vanloo (Albert), Duval (Georges) | opé 3 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1905 13 fév |
Dragons de l’Impératrice (Les) | Duval (Georges), Vanloo (Albert) | opé 3 | Paris, Variétés |
1907 5 juin |
Fortunio | Caillavet (Gaston Arman de), Flers (Robert de) d’après Musset | c lyr 4 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1914 21 mars |
Béatrice | Caillavet (Gaston Arman de), Flers (Robert de) d’après Nodier | lég lyr 4 | Monte-Carlo Paris 1917 |
1914 21 mars |
Miousic [ou Miousie ?] [6] | Ferrier (Paul) | opé 2 | Paris, Olympia |
1917 1 juin |
Cyprien, ôte ta main d’là | Hennequin | opé 1 | Paris, Mayol (Concert) (Concert-Parisien) |
1917 21 nov |
Béatrice | Caillavet (Gaston Arman de), Flers (Robert de) d’après Nodier | lég lyr 4 | Paris, Opéra-Comique (Favart) C: Monte Carlo 1914 |
1919 7 avr |
Monsieur Beaucaire | Lonsdale (Frederick), Ross (Adrian) | opé 3 | Angleterre, Birmingham vf : Paris 1925 |
1921 14 mai |
Petite fonctionnaire (La) | Capus (Alfred), Roux (Xavier) | opé 3 | Paris, Mogador |
1923 15 fév |
Amour masqué (L’) | Guitry (Sacha) | cm 3 | Paris, Edouard VII |
1925 21 nov |
Monsieur Beaucaire | Rivoire (André), Veber (Pierre) | opé 3 | Paris, Marigny (Th.) vo: Birmingham 1919 |
1926 15 janv |
Passionnément | Hennequin (Maurice), Willemetz (Albert) | opé 3 | Paris, Michodière (La) |
1928 9 fév |
Debureau | Guitry (Sacha) | c 4 | Paris, Vaudeville (Bd des Capucines) |
1928 29 sept |
Coups de Roulis | Willemetz (Albert), Larrouy (Maurice) | opé 3 | Paris, Marigny (Th.) |
1933 23 déc |
Sacha [7] | Rivoire (André) d’après Donnay (Maurice) | opé 3 | Monte-Carlo |
[1] de Bernicat (Firmin), partition complétée et remaniée par Messager
[2] de Bernicat (Firmin), terminée par Messager
[3] avec Temple (Miss Hope)
[4] avec Lacôme (Paul)
[5] avec Leroux (Xavier)
[6] avec Berger (Rodolphe), Cuvillier (Charles), Erlanger (Jules), Hirchmann (Henri), Lecocq (Charles), Lecombe (Louis), Leroux (Xavier), Messager (André), Redstone (Willy), Vidal (Paul)
[7] posthume, terminée par Berthomieu (Marc)