Varney Louis

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LOUIS  VARNEY

1844 – 1908

I. BIOGRAPHIE
II. OEUVRES

Articles associés

OEUVRES ASSOCIEES

Les Mousquetaires au couvent

REVUES ASSOCIEES

Revue n°57
Revue n°88
Revue n°152
Revue n°153

BIOGRAPHIE :


Si Alphonse Varney fut surtout célèbre comme chef d’orchestre de théâtre (voir fiche), son fils Louis s’est particulièrement distingué dans le domaine de l’opérette et de l’opéra-comique avec une quarantaine d’ouvrages dont un des tous premiers, Les Mousquetaires au couvent, est considéré comme l’un des piliers du répertoire. Mais plusieurs autres de ses ouvrages, qui ont connu une belle célébrité, mériteraient d’être repris.
C’est pendant un séjour d’Alphonse Varney à La Nouvelle-Orléans, que Louis Marie voit le jour, le 30 mai 1844. Revenu peu après en France où sa carrière de chef d’orchestre se poursuit désormais, le père s’occupe lui-même de la formation musicale de son fils qui tâte à tous les instruments avant de tenir avec succès la baguette de chef d’orchestre. Par la suite, suivant l’exemple paternel, il produit romances et danses et commence une longue carrière de compositeur lyrique.

Les premiers ouvrages

Louis Varney fait ses débuts comme chef d’orchestre à l’Athénée-Comique de la rue Scribe (théâtre aujourd’hui disparu) et compose certaines des revues qui y sont bric_et_brocdonnées sous la direction habile du comédien Montrouge. La réouverture de la salle rénovée se fait le 5 février 1876 avec une revue intitulée De bric et de broc, que Louis Varney dote d’une musique gaie et alerte. Le succès est franc et la plupart des morceaux sont édités. Puis vient, le 10 janvier 1879, Babel revue, dont Varney partage la partition avec Robert Planquette et un certain Edouard Okolowitz ; le spectacle est à nouveau enlevé avec entrain par Montrouge et sa troupe et se donne 89 fois. Faisant pendant au premier spectacle, une nouvelle revue, Bric-à-brac est montée à l’Athénée le 13 février 1880, avec à nouveau des musiques de Varney, et connaît elle aussi un beau succès.

Entre-temps, Louis Varney a fait représenter sa première opérette, Il Signor Pulcinella qui est donnée le 26 septembre 1876 à l’Athénée-Comique. Il s’agit en fait d’une pièce ancienne, Polichinelle, mise en musique par Eugène Déjazet, et déjà donnée en 1868 au Théâtre Déjazet puis en 1871 aux Variétés. Pour cette reprise, plusieurs couplets sont ajoutés et une nouvelle partition est confiée à Varney. Trois ans plus tard, c’est aux Folies-Marigny qu’est donnée sa seconde opérette, Les amoureux de Boulotte, un acte de Paul Albert. Selon les critiques Noël et Stoullig, « la pièce n’est ni meilleure ni plus mauvaise que bien d’autres qui ont réussi. La musique se recommande par des mélodies faciles, sans prétention et par une certaine recherche d’accompagnement qui n’est pas banale ».
Signalons encore Les Sirènes de Bougival, un acte donné à l’Alcazar le 8 novembre 1879. Ces petits ouvrages ont attiré l’attention des directeurs de salles sur Varney et c’est ainsi que Louis Cantin, nouveau patron des Bouffes-Parisiens à la recherche de jeunes talents, décide de lui confier un livret. Il se souvient d’une comédie-vaudeville en 3 actes jouée avec succès en 1835, L’habit ne fait pas le moine, et propose aux librettistes Paul Ferrier et Jules Prével d’en tirer la matière d’un opéra-comique : Les Mousquetaires au couvent. Si les deux auteurs respectent l’essentiel de l’intrigue, ils remanient néanmoins complètement le troisième acte.

Les mousquetaires au couvent

L’œuvre étant trop connue pour être présentée en détail, rappelons-en les grandes lignes :

L’action, située sous le règne de Louis XIII, débute dans une auberge de Touraine. Le mousquetaire Narcisse de Brissac, s’inquiétant de la morosité de son ami Gontran de Affiche de l'opérette Les Mousquetaires au couventSolanges, fait venir l’abbé Bridaine, brave homme et ancien précepteur de Gontran, afin d’éclaircir la situation. En fait Gontran est amoureux de Marie de Pontcourlay, dont Bridaine lui a si souvent parlé, et qui est élève, ainsi que sa sœur Louise, dans un couvent voisin. Richelieu ayant décidé que les deux jeunes filles doivent prononcer leurs vœux, il ne reste à Gontran qu’à enlever sa bien aimé.
Au couvent, où ils se sont rendus sous les habits de deux pélerins qu’ils ont enfermés dans l’auberge, les deux amis sont présentés aux élèves. Tandis que Gontran se fait reconnaître par Marie, Narcisse s’intéresse à Louise. Bridaine, venu annoncer la décision du cardinal, est vite effaré de découvrir l’intrusion des deux mousquetaires et, voulant éviter tout scandale, s’enferre dans la complicité. Après un repas copieusement arrosé, Narcisse se lance dans un prêche sur l’amour qui ravit les pensionnaires mais scandalise les religieuses.

Compatissante, la mère supérieure a néanmoins enfermé Brissac dans une tour du couvent. Après avoir cuvé son vin, celui-ci projette, avec Gontran, l’enlèvement de Marie et de Louise. L’annonce de l’arrivée du gouverneur et du cardinal précipite les choses. Une échelle est dressée mais les fugitifs, n’ont pas le temps de s’échapper. Un complot contre le cardinal ayant été démasqué, les deux mousquetaires, suspectés, sont arrêtés, mais ils n’ont guère de mal à prouver que les véritables responsables sont les deux (faux, eux aussi) pèlerins enfermés dans l’auberge du village. En récompense, Gontran et Narcisse obtiennent le droit d’épouser Marie et Louise. (voir fiche)

mousquetaires-1Sur cette intrigue plaisante, Varney compose une musique des plus agréables mais ne peut apporter à temps le manuscrit complet du 3e acte ; aussi, la direction s’adresse-t-elle à un autre compositeur, Achille Mansour, qui écrit les morceaux manquant dont le réussi quintette de l’échelle.
L’opéra-comique est créé le 16 mars 1880 ; un critique de l’époque note que si « La musique de M. Varney fils a de l’entrain et de la facilité, parfois même de la grâce » le sujet de la pièce, est plutôt mal venu dans le contexte politique de l’époque car Les Mousquetaires au couvent, arrivent en pleine croisade contre les congrégations religieuses. Le public n’a pas autant de scrupules et assure à l’ouvrage un grand succès qui permet de renflouer les caisses du théâtre

Les créateurs en sont Mmes Bennati (Simone), Rouvroy (Marie), Clary (Louise) et MM Marcellin (Gontran), Hittemans (Bridaine), ainsi que Frédéric Achard, comédien-chanteur venu du Théâtre du Gymnase, dans le rôle de Brissac. Lors de la réouverture des Bouffes, la saison suivante, Achard ayant été rappelé au Gymnase, c’est l’excellent baryton-martin Louis Morlet, venu de l’Opéra-Comique, qui le remplace. Varney étoffe son rôle en lui écrivant deux très beaux airs supplémentaires : les couplets « Pour faire un brave mousquetaire » et l’ariette « Gris ! suis-je gris vraiment », devenus si fameux, et remplace l’air de Simone, au 3e acte « A la porte des révérends » par une grande valse « On se rendait à la chapelle » (le premier air, plus court et plus enlevé, est encore souvent donné lors des représentations), trois airs qui donnent un nouveau profil à la pièce et s’ajoutent aux morceaux déjà célèbres : « La chanson de Bridaine », le trio « Parle, explique-toi ! », la villanelle et la chanson villageoise, la romance de Marie ou les couplets du prêche de Brissac. Le succès n’en est que plus grand et se poursuit sans faillir mais Cantin doit l’interrompre à la 250e représentation pour laisser la place à La Mascotte d’Audran, quasi débutant lui aussi qui, depuis quelque temps, piétine à la porte du théâtre.

Cependant Les Mousquetaires ont déjà investi les théâtres de province et triomphent dans de nombreux pays étrangers. Dans la version anglaise, traduite par H. B. Farnie et arrangée par Dexter Smith, la pièce est quelque peu modifiée et réduite à deux actes, le troisième n’étant plus qu’un tableau, essentiellement parlé, ajouté au second. De plus Marie entre en scène dès le premier acte, avec l’arrivée du Gouverneur qui l’amène lui-même au couvent. Un moment d’intimité lui permet de rencontrer Gaston avec lequel elle chante un duo « Si nous pouvions voler loin d’ici », sur la musique du duo du 3e acte.

Une carrière bien lancée

Désormais, Louis Varney va produire énormément, parfois plusieurs opérettes par an, qui seront créées dans la plupart des théâtres parisiens. Comme il est impossible de les évoquer toutes, signalons les principales ou celles présentant quelques particularités, comme La Reine des halles, composée juste après Les Mousquetaires.

la_reine_des_halles-1881Madame Rose, une riche marchande de poissons, a donné une brillante éducation à son fils Pierre, l’a lancé dans les affaires et lui a fait faire un beau mariage. Celui-ci, dépassé par les événements et désirant fuir un beau-père des plus envahissants, se sauve avec une chanteuse d’opérette, ce qui entraîne une course poursuite à travers les étals et de nombreux quiproquos. Pierre accepte finalement de se réconcilier avec sa femme au cours d’un bal donné aux halles.
Sur ce sujet à la mode (La Fille de Madame Angot, de 1872-73 est toujours populaire et le roman de Zola, Le ventre de Paris 1873, est un succès), les auteurs ont écrit une pièce que Varney, selon Noël et Stoullig, a « inondé de musique nouvelle ». Pour Thérésa, qui a certes perdu un peu de sa puissance vocale mais pas son abattage, il a multiplié rondeaux et couplets dont certains sont excellents et qui valent à l’artiste un légitime triomphe. La pièce est jouée jusqu’à la fermeture d’été, mais n’est pas reprise à la réouverture, Thérésa étant retenue ailleurs par un engagement antérieur.

L’œuvre suivante, Coquelicot, est créée aux Bouffes Parisiens le 2 mars 1882. L’intrigue est l’adaptation d’ un vieux vaudeville des frères Cogniard (1836) transposée dans le Roussillon au temps des guerres de Louis XIV. Dans cette pièce, Coquelicot est le nom d’un cabaretier amoureux d’une belle andalouse, Térésika, elle-même éprise du barbier Pérez. Coquelicot, qui ne dépasse pas la quarantaine de représentations, est considéré comme un échec. Passons sur La petite Reinette, 3 actes de Clairville fils et Busnach donnés à la Galerie-Saint-Hubert de Bruxelles pour en arriver au second grand succès de Varney.

Fanfan la Tulipe

Dans cet opéra-comique en 3 actes, le personnage de Fanfan la Tulipe, héros d’une chanson populaire, est devenu un brave gaillard, proche du Brissac des Mousquetaires.

fanfanActe I. Nous sommes au XVIIIe siècle, à l’époque de la Guerre de succession qui oppose la France à une coalition européenne. Fanfan dit la Tulipe et son ami Michel, dit La Giroflée, deux gardes-française sont logés chez les Cotonnet, les propriétaires d’un magasin de lingerie de Valenciennes, ville dans laquelle est cantonné leur régiment. Beau garçon et séducteur-né, Fanfan courtise à la fois Madeleine, la femme de son logeur, et Florise, l’épouse de M. de La Pécaudière, un fournisseur des armées, lui-même très attiré par les jolies vendeuses du magasin. Michel s’est épris de l’une d’elles, Pimprenelle mais, très timide, il demande à son ami de parler pour lui. La jeune fille, se méprenant sur la démarche, offre son cœur à Fanfan qui, quoique gêné, ne le refuse pas. L’acte se termine par le départ du régiment pour le front, départ qui réjouit les maris, mais sème la panique parmi les femmes.

Acte II. Dans un petit village non loin de Fontenoy où le Maréchal de Saxe a établi son quartier général, les soldats arrivent de partout. Arrivent également Cotonnet et La Pécaudière, à la recherche de leurs épouses respectives qui ont disparu. Celles-ci, cachées sous des habits militaires et accompagnées de Pimprenelle, n’ont pu se résoudre au départ de Fanfan et viennent lui demander de choisir entre-elles. Celui-ci, flatté, se partage adroitement entre les trois jeunes femmes mais Michel, qui se croit trahi par son ami, le provoque en duel. Pour se venger, Cotonnet alerte les soldats car le duel est alors une pratique interdite dans l’armée. Fanfan et Michel sont arrêtés au moment où la célèbre bataille de Fontenoy s’engage.

Acte III. Dans la maisonnette où ils ont été enfermés, Fanfan et Michel, réconciliés, attendent de passer devant le conseil de guerre. Tous deux regrettent de ne pouvoir se battre, le premier, par héroïsme, le second pour mourir au combat, car désespéré par l’indifférence de Pimprenelle. Fanfan, qui a pitié de lui, renonce à la jeune fille et s’engage à lui faire changer d’avis. Lorsque, ayant amadoué la sentinelle, elle pénètre dans la geôle improvisée, Fanfan réussit à la détacher de lui en se faisant passer pour buveur, joueur, volage, cynique et brutal. Désespérée, Pimprenelle se réfugie dans les bras de Michel qui, pour la première fois, trouve des mots d’amour qui la touchent. Se faisant passer pour Cotonnet, Fanfan s’enfuit et rejoint le front où, par de judicieux conseils, il permet le succès de la bataille qui fera la gloire du Maréchal de Saxe. Pardonné, le héros est prêt à s’engager dans de nouvelles aventures galantes.

Sur ce livret habile, enrichi d’intrigues secondaires, Varney écrit une belle partition dont les critiques soulignent les progrès par rapport aux précédentes. Outre le refrain « En avant, Fanfan la Tulipe » qui revient plusieurs fois, citons au premier acte, le trio « La lettre est formelle », le terzetto « La brave fille, le brave garçon », au II, le trio « Nous sommes trois jeunes recrues », les couplets de Pimprenelle « Il était un petit tambour » et le beau final militaire, au III, les deux perles de la partition : l’air « Voilà ma philosophie » de Fanfan et le ravissant duetto « Quand un gros souci me dévore » réunissant Pimprenelle et Michel et, comme toujours chez Varney, de beaux mouvements de valse.
Donnée le 21 octobre 1882, Fanfan la Tulipe est un succès pour les Folies Dramatiques dont les artistes sont très appréciés. Tout d’abord le couple vedette, Mme Simon-Girard, adorable Pimprenelle et son mari Simon-Max dans le rôle de Michel, puis Gobin, inénarrable Cotonnet, et surtout la révélation du spectacle, un nouveau venu, le baryton Max Bouvet dont la voix magnifique fait merveille dans le rôle de Fanfan. La pièce atteint sans problème les 93 représentations.

(Il existe au moins deux enregistrements radio presque complets de Fanfan La Tulipe, mais non disponibles dans le commerce. L’un, dirigé par Marcel Cariven avec Bernard Plantey dans le rôle de Fanfan, l’autre dirigé par Jean Doussard avec Aimé Doniat ; le reste de la distribution, presque commun aux deux enregistrements, regroupe Claudine Collart, Lina Dachary, Monique Stiot, Joseph Peyron, René Lénoty …)

Avant d’en arriver aux deux succès suivants, citons Joséphine, une saynète à un personnage composée pour Anna Judic, créée au Casino de Trouville en août 1883. Trois jours plus tard, Varney étrenne un nouveau théâtre, Les Nouveautés, avec Babolin.
Le livret de Jules Prével et Paul Ferrier offre une intrigue originale et bien traitée que critiques et public ont appréciée et considèrent comme l’une des meilleures de l’époque. Pour rendre l’histoire plus lisible, je vais la résumer selon sa chronologie mais non telle qu’elle est présentée au public.

Acte I. Dans un pays indéfini, la princesse Mirane décide de faire la connaissance, non sans arrière-pensées, d’un ténor célèbre, Lorenzo, dont sa dame d’honneur, Bagatella, lui a fait un portrait des plus flatteurs, physiquement et vocalement. Pour cela elle charge la jeune femme de lui faire parvenir un billet d’invitation. Mais le mari de Bagatella, le terriblement jaloux général Karamatoff, suit sa femme jusqu’au théâtre où se produit le ténor et, prenant Lorenzo pour l’amant de son épouse, s’en prend violemment à lui. Ce dernier n’a que le temps de se sauver, sans même quitter le costume de Méphistophélès qu’il porte, et se cache dans une chambre d’auberge dont la fenêtre est ouverte.

Tout cela, nous ne l’apprenons que par la suite car, lorsque le rideau se lève, nous nous trouvons à l’intérieur de cette auberge, Le Faisan d’or, où l’on fête le mariage du jeune patron, le naïf Mélissen et de sa jolie servante Elverine. Au cours des babolin-1réjouissances, on évoque une légende locale, celle de Babolin, un diable sympathique dont l’apparition au cours d’un mariage ne peut être qu’un gage de bonheur. Evidemment, lorsque Lorenzo apparaît, dans son costume, il est pris pour Babolin. Comme Karamatoff arrive en compagnie de soldats (la princesse l’a chargé de lui amener le ténor), Lorenzo profite de l’impression qu’il a faite sur Mélissen pour échanger avec lui ses habits, et c’est ce dernier qui est conduit à la cour.

Acte II. Quelle n’est pas la déconvenue de la princesse lorsqu’elle voit arriver un être balourd, ahuri, sans élégance aucune, et affublé d’un nez en trompette. Elle décide cependant de l’écouter, mais sans le regarder. D’accord avec Lorenzo qui a pris la livrée d’un domestique, Mélissen fait semblant de chanter mais c’est la voix délicieuse de Lorenzo qu’on entend. La princesse est conquise ; elle épousera le chanteur, se chargeant de lui donner meilleur aspect.

Acte III. Lorenzo, qui n’est pas insensible à la princesse, se dit qu’il a peut-être eu tort de céder sa place et, aidé par Elverine, l’épouse de Mélissen, fait organiser une seconde audition. Evidemment il laisse l’aubergiste se débrouiller seul et c’est un horrible couac qui sort de son gosier. Le pensant souffrant, la princesse le remet entre les mains des médecins. On finit par découvrir la supercherie lorsque le véritable Lorenzo, ne résistant pas au plaisir de se faire remarquer, pousse à nouveau la romance. Tout finit bien cependant : Lorenzo épouse la princesse et Mélissen retrouve son auberge et sa chère épouse.

Babolin est créé le 19 mars 1884 et connaît aussitôt un grand succès, théâtral et musical, même si l’on reproche quelque peu à Varney d’avoir abusé des rythmes de valse et de polka qui, cependant, donnent à l’opérette son entrain irrésistible. Il a réservé ses meilleurs morceaux pour le remarquable interprète du rôle de Lorenzo, le ténor Louis Morlet, issu de l’Opéra-Comique et déjà remarqué dans le Pippo de La Mascotte. Mais la véritable triomphatrice de la soirée est Mme Mily-Meyer, pourtant chargée du rôle secondaire de Bagatella, dont le charme, le talent et le comique de bon goût lui valent de bisser tous ses airs. Babolin connaît une centaine de représentations, en cumulant celles des Nouveautés et celles des Folies Dramatiques où il est aussitôt repris. Ce succès sera néanmoins battu par le triomphe, un an plus tard, du nouvel opéra-comique de Varney.

Les Petits mousquetaires. Composé à nouveau sur un livret de Prével et Ferrier, librettistes que Varney apprécie particulièrement, cet ouvrage s’inspire fidèlement de petits-mousquetaires-1la pièce de Dumas et Maquet, tirée des fameux Trois mousquetaires, avec cependant quelque originalité. En effet, si les rôles d’Athos, Porthos et Aramis sont attribués à des chanteurs, messieurs Montaubry, Riga, et Delausnay, valeur sûres des Folies-Dramatiques, le personnage de D’Artagnan, est chanté par Marguerite Ugalde (fille de la célèbre Delphine Ugalde) ce qui en renforce la jeunesse et le romantisme. Loin de surprendre, ce choix sert au succès de la pièce car « on connaissait la verve et l’entrain endiablé de Marguerite Ugalde, et l’on se doutait de ce qu’elle pouvait faire du rôle du jeune cadet de Gascogne, tirant l’épée, grimpant sur les toits, escaladant la gloire, ainsi qu’il convient à la digne fille de sa mère » (Noël et Stoullig).

La partition de Varney, dont la critique note à nouveau un grand progrès sur les précédentes, est souvent distinguée et toujours scénique. Lors de la création, le 5 mars 1885, de nombreux morceaux sont souvent bissés et même trissés. L’ouvrage est joué jusqu’à la fermeture d’été du théâtre et est repris en septembre pour atteindre la 149e représentation avec, cependant, une autre divette dans le rôle de D’Artagnan, Juliette Simon-Girard dont le succès n’est pas moindre que celui de la créatrice.

Après l’ère de Jacques Offenbach puis celle de Charles Lecocq, même si celui-ci connaîtra encore quelques beaux succès, Louis Varney, constitue alors, avec Robert Planquette et Edmond Audran, la nouvelle génération des compositeurs lyriques légers à succès, André Messager, dont la première opérette, La Fauvette du temple, est contemporaine des Petits mousquetaires, n’étant pas encore très connu. Louis Varney, alors au sommet de sa popularité, produira encore de nombreux ouvrages mais seuls quelques-uns seront de réels succès.

Confiant en son librettiste préféré, Jules Prével, Louis Varney fait à nouveau appel à lui pour un opéra-comique promis aux Nouveautés, L’Amour mouillé, dont la donnée, jugée amusante quoique peu imaginative et comportant une énième scène de couvent, sera sauvée par la musique.
L’action se déroule en Italie, vers la fin du XVIe siècle, dans l’ancien port du duché de Tarente.

Acte I. Autour d’une place au centre de laquelle trône la statue antique d’un Amour tirant à l’arc (statue qui sera bientôt jetée à la mer, d’où le titre de la pièce) s’élèvent les façades d’un couvent et du palais du lieutenant général de la ville, l’acariâtre Pampinelli. Celui-ci a décidé de marier le jour même son neveu, le ridicule Ascanio, à sa pupille, la charmante Lauretta qui, encore naïve, n’y trouve rien à redire. Le prince Carlo de Syracuse, qui a fait naufrage au cours d’une tempête, échoue sur la plage, accompagné de son écuyer Cascarino. Etant en terre ennemie, le prince cache son origine. Il ne tarde pas à s’éprendre de Lauretta qui, elle aussi touchée par l’amour, refuse désormais d’épouser Ascanio et se réfugie dans le couvent. Quant à Cascarino, il reconnaît dans Catarina, l’épouse de Pampinelli, la femme qu’il a aimée six ans plus tôt lorsqu’elle n’était encore qu’une marchande d’oranges et qui, manifestement, ne l’a pas oublié.

amour_mouilleActe II. Le couvent, où tout le monde entre comme dans un moulin, voit défiler les divers personnages qui, sous divers déguisements, se prêtent à bon nombre de situations comiques. L’idylle entre Lauretta et Carlo se développe. Pampinelli finit par faire investir les lieux par les soldats et arrête Carlo dont il ignore toujours l’identité. Pour obtenir sa liberté, Lauretta accepte d’épouser Ascanio. Quant à Cascarino, il doit être jeté à la mer.

Acte III. Sur la place, la foule chante et danse pour le mariage de Lauretta. Chassée par son mari, Catarina est redevenue marchande d’oranges et cache Cascarino dans sa carriole. Carlo, qui n’est pas parti ainsi qu’il l’avait promis, intervient pendant la cérémonie. Il est sur le point d’être à nouveau arrêté quand on apprend que la paix a été signée entre les deux états. Pour garantir cette paix, il a été convenu que le prince épousera Lauretta, ce qui satisfait bien sûr les deux jeunes gens. Quant à Catarina, elle n’a guère de mal à retrouver sa place d’épouse.

 L’Amour mouillé est créé le 25 janvier 1887. La distribution comprend, dans le rôle du prince confié à un travesti, Maria Nixau, dans ceux de Pampinelli et de Cascarino, les Brasseur, père et fils, impayables et, dans celui de Lauretta, Mademoiselle Darcelle. Quant au personnage comique de Catarina, il est joué par la célèbre Desclauzas qui lui donne beaucoup de relief. La partition de Varney, très dansante, comprend un grand nombre de morceaux charmants comme les valses dont celle du Colibri, chantée par le prince et Lauretta et qui est considérée comme la perle de l’ouvrage. Cette musique pleine de fraîcheur est chantée pendant 104 représentations suivies de 25 autres lors de la reprise l’année suivante.

Des réussites moindres

Dans les années suivantes, Varney ne connaît que demi-succès et échecs véritables. Sans doute compose-t-il trop rapidement sur des livrets banals qui ne l’inspirent pas vraiment.

pyreneesDix jours aux Pyrénées (22 novembre 1887) est une sorte de féerie en 5 actes et dix tableaux destinée à la Gaîté. La pièce, luxueusement montée, est surtout prétexte à une série de tableaux plus ou moins pittoresques.
Au sein d’un groupe de touristes venus de Paris, se distingue le brave pharmacien Chaudillac. Zoé, sa femme, ayant décidé de le quitter pour son meilleur ami, lui fait remettre une lettre d’adieu mais, s’étant ravisée, il lui faut toute la durée du voyage pour la récupérer avant que le mari ne la lise.
Malgré le talent du célèbre comédien Berthelier dans le rôle de Chaudillac, Madame Théo, en Zoé se contentant surtout d’afficher sa beauté, la pièce est jugée trop longue ; la musique de Varney, abondante mais sans ambition mis à part deux airs, permet d’atteindre les 128 représentations, nombre moyen pour une pièce à grand spectacle. Cela sera pire pour les œuvres suivantes.

La Japonaise, comédie-vaudeville en 4 actes, est créée aux Variétés le 23 novembre 1888. L’héroïne, Christine Vatencourt, cherche à éloigner son mari de façon à pouvoir se rendre à un bal de charité revêtue d’un splendide costume de Japonaise. S’en suivront de nombreuses péripéties invraisemblables.
La pièce est écrite spécialement pour Anna Judic qui y chante quelques couplets d’un Varney peu inspiré (13 représentations).

La Vénus d’Arles, opéra-comique en 3 actes est donnée le 30 janvier 1889 aux Nouveautés. Dans cette belle ville du Midi, Bouscarin, le maire, s’apprête à célébrer le mariage d’un vieux baron et d’une marquise à peine plus jeune, et celui de Maguelone, la belle pâtissière surnommée la « Vénus d’Arles », avec le batelier Prosper. Mais troublé par la disparition de son épouse, partie avec un sien cousin, le magistrat marie tout de travers. Ces deux unions mal assorties et les situations saugrenues qui en découlent trouvent cependant leur solution avec l’application de la loi du divorce, alors toute nouvelle (21 représentations).

Riquet à la houppe, féerie en 3 actes et 20 tableaux, inspirée du conte de Perrault, est donnée trois mois plus tard, le 20 avril 1889, aux Folies-Dramatique. La pièce agréable, bien jouée mais sans réelle originalité, ne dépasse pas les 40 représentations.

fee-aux-chevres-1Dans les années 90, Varney retrouve une suite de réussites honorables qui débute par un nouveau conte à grand spectacle : La Fée aux chèvres.
L’intrigue de ces 3 actes donnés à la Gaîté 18 décembre 1890, n’est autre que celle du Chat botté devenu ici une gentille chevrière nommée Yvette tandis que le marquis de Carabas a pris le nom de Roger de Saint-Luz. La pièce séduit par ses trésors de mise en scène, ses décors et ses costumes merveilleux et par une partition qui ne déçoit pas. « Elevant heureusement sa muse, M. Louis Varney a écrit pour les deux ballets une pimpante et délicieuse musique. Les trios si joliment interprétés au premier et au second acte… resteront parmi les pages les plus fines et les plus spirituelles de l’auteurainsi que l’alerte chanson des tambourinaires. » (Noël et Stoullig, 72 représentations).

La Fille de Fanchon la vielleuse. Comme Madame Angot, Fanchon la vielleuse était un personnage théâtral mythique qui fut maintes fois mis en scène au début du fanchonXIXe siècle. Et comme dans la pièce de Lecocq, les librettistes lui imaginent une descendance, une fille nommée Javotte.
Javotte arrive à Paris de sa Savoie natale pour recueillir l’héritage maternel, une simple vielle avec laquelle l’aimable jeune fille décide de gagner honnêtement sa vie malgré les embûches d’un notaire indélicat. Javotte, qui fait preuve de bon cœur, finit par récupérer une somme de trente mille francs, véritable héritage de sa mère qu’un commissionnaire malveillant avait détourné.
L’action située en 1798, permet d’afficher des décors et des costumes ravissants. Quant à la musique de Varney, elle est jugée « merveilleusement scénique » et permet de nombreux bis aux excellents artistes du théâtre entraînés par la Javotte de Mme Thuillier-Leloir, secondée par les chevronnés MM. Gobin et Guyon. Cet opéra-comique en 4 actes créé le 3 novembre 1891 aux Folies-Dramatiques connaît 111 représentations.

1892 est une année prolifique pour Varney qui produit quatre ouvrages, deux opérettes et deux vaudevilles à couplets.

La Femme de Narcisse : cette opérette en 3 actes est créée le 14 avril au théâtre de La Renaissance. Nous sommes à Paris, sous le Consulat dont les costumes, joliment reconstitués, égaient la scène.
Le beau Narcisse, fabricant de fleurs, est sottement épris d’une de ses ouvrières, la peu sérieuse Mlle Palmyre, sans remarquer l’amour sincère que lui porte la petite Estelle, autre ouvrière qu’il épouse néanmoins, par dépit, au moment où elle vient d’hériter. En sachant se faire désirer, la jeune mariée réussit à faire la conquête de son mari. L’annonce de la fin du monde imminente, par un vieux savant, réussit à les jeter dans les bras l’un de l’autre.
La réussite de la pièce doit beaucoup au talent de Mme Simon-Girard. Si la musique semble avoir été écrite rapidement, on y trouve à nouveau de jolies valses dont la plus populaire « C’est la fille à ma tante » est un vrai bijou. (78 représentations).

Le Brillant Achille : Varney ne quitte pas La Renaissance en y donnant six mois plus tard, le 21 octobre, un amusant vaudeville-opérette en 3 actes.
Achille Toupart, bourreau des cœurs et coq de la plage d’Etretat a fait la conquête de Rose Ledouillet, la fille d’un pharmacien, mais se refuse à l’épouser, ce que les circonstances l’obligent néanmoins à faire, de mauvaise grâce. Vexée, l’épouse se refuse à son mari mais celui-ci, après un duel… aux cartes avec le premier fiancé de Rose, et diverses péripéties, accepte de renoncer à sa vie de garçon.
Dans cette pièce où il y a plus à parler qu’à chanter, Mme Théo remporte un véritable succès que ne justifie pas seul un affriolant costume de bain. La musique, jugée fort aimable, culmine avec « le duo grivois de Sapristi !» et l’originale chanson des mirlitons… les clous de cette gracieuse partitionnette. » (N. & S. 48 représentations)

La Tournée Ernestin : créé six jours plus tôt, au théâtre Cluny, ce vaudeville de Gandillot à la gaieté débridée et à grand spectacle, une quarantaine de rôles, est également bien accueilli (89 représentations). C’est la parodie d’une tournée d’artistes, en France puis en Amérique, dans laquelle s’enchevêtrent intrigues amoureuses et politiques.

Miss Robinson.. Plus ambitieuse et toujours donnée la même année, le 17 décembre 1892 aux Folies-Dramatiques, Miss Robinson est une nouvelle adaptation, par Paul Ferrier, du célèbre roman de Daniel de Foë, 15 ans après celle d’Offenbach.

miss_robinsonActe I. Eva Bouderby, fille fantasque et exigeante d’un riche négociant de Plymouth, s’est éprise de Robinson Crusoé dont elle dévore les aventures dans une gazette. Lorsque le héros débarque, elle obtient de son père qu’il aille aussitôt offrir sa main à l’aventurier. Surpris et flatté, celui-ci demande un délai de réflexion mais, lorsqu’il reparaît costumé en marquis du XVIIe siècle, la jeune fille qui ne rêvait que d’exotisme, ne veut plus de lui. Robinson rembarque aussitôt pour les Indes, ce qui amène un nouveau revirement d’Eva qui décide de le suivre, accompagnée de son père et de serviteurs.

Acte II. Tempêtes en mer. Eva et sa suite échouent sur l’île de Robinson dont Vendredi est désormais le roi et Samedi le seul citoyen. Les naufragés s’installent et y mènent la vie primitive et paradisiaque rêvée par la jeune fille. Paradis de courte durée qui s’achève par une attaque d’anthropophages puis par leur capture par des pirates. Ceux-ci viennent d’arraisonner le navire de Robinson, qu’ils détiennent prisonnier, et s’apprêtent à les vendre tous comme esclaves. S’échappant grâce à Vendredi, ils débarquent au Japon.

Acte III. Déguisés en baladins, ils mènent une vie de forains tandis que Robinson est engagé comme « conteur d’histoires » de la fille du Mikado. Démasqués, ils sont condamnés à mort, mais la fille de l’empereur les fait échapper et c’est sains et saufs qu’ils regagnent Plymouth.

 Sur ce livret pittoresque, Varney brode « une musique infiniment gracieuse et vraiment distinguée » (N.& S.) où culminent, entre autres morceaux réussis, les couplets d’Eva « Qu’il est beau M. Robinson », le final du premier acte, la ravissante « Valse des Ramiers » au second, un élégant menuet et la cérémonie bouddhique du troisième. Travestie en Robinson ou en costume japonais, Mme Simon-Girard est aussi belle à regarder qu’à entendre, secondée par MM Guyon fils, Vauthier et Simon-Max. Quant à la mise en scène de Vizentini, le directeur des Folies-Dramatiques, elle allie luxe, bon goût et raffinement, et n’a rien à envier à celles de la Gaîté, ainsi que le rapportent les chroniques de l’époque.

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Cliquette,
3 actes donnés le 11 juillet 1893 aux Folies-Dramatiques.  L’intrigue met en scène les querelles d’un jeune paysan et de sa fiancée ; tous deux d’un caractère vif, sont deux fois mariés et deux fois désunis à cause de la destitution de deux maires successifs. Partition rythmée et abondante en chansons et romances aimables qui sont bissées et même trissées (93 représentations). Les Forains évoluent dans le monde du cirque, mais le spectacle ne tient pas les espérances nées lors de la première, pourtant enthousiaste, le 20 avril 94 aux Bouffes-Parisiens (64 représentations). La Fille de Paillasse donnée deux mois plus tard aux Folies-Dramatiques, a une carrière encore plus brève (34 représentations). Par contre, Les Petites brebis (5 juin 1895 au théâtre Cluny) connaît un joli succès (103 représentations), auquel succède, sur la même scène, Mam’zelle bémol (vaudeville-opérette en 4 actes, le 7 septembre), mais La Belle épicière (16 novembre 1895 aux Bouffes-Parisiens) est un échec malgré une partition qui ne laisse pas indifférent (18 représentations)

La Falote. Pour le vieux baron de La Hoguette, la falote est une sorte de « Dame blanche » hantant depuis longtemps les couloirs du Mont-Saint-Michel. Il s’agit en fait de sa jeune épouse, Yolande, utilisant ce stratagème pour retrouver son amant, un capitaine de gendarmerie. En contrepoint à cette intrigue, nous assistons à une rivalité ancestrale entre deux familles d’aubergistes dont les enfants, Roméo et Juliette modernes, finissent par réconcilier les deux familles en s’épousant.

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Pour cette opérette en 3 actes (Folies-Dramatiques, 17 avril 1896) Varney compose des morceaux vraiment gais comme les couplets de la gendarmerie, la jolie valse « Falotes légères » et même une page symphonique pour transcrire un orage. On y applaudit chaudement Jean Périer (futur Pelléas), la superbe Cassive et Hittemens, désopilant en « mère Mathurine » (100 représentations).

Le Papa de Francine. Donnée à partir du 5 novembre 1896 au Théâtre Cluny, cette papa_de_francine2opérette en 4 actes de Cottens et Gavault, montée avec beaucoup de moyens malgré l’exiguïté de la scène, s’avère être le plus important succès de Varney depuis longtemps en totalisant 225 représentations. L’intrigue, des plus amusantes, nous emmène au Moulin-Rouge, avec ballerines et chanteuse à cheval, au club nautique d’Asnières, à un couronnement de rosière à Nanterre avec fanfare et défilé de pompiers et offre une désopilante séquence de cambrioleurs-cabrioleurs. La musique, toujours très scénique, présente plusieurs clous : le duetto « I love you », un duo-bouffe espagnol et surtout un trio des cambrioleurs qui a lui seul aurait pu faire le succès de la pièce.

Sans retrouver le même succès, Le Pompier de service, une farce plutôt réussie dans laquelle on célèbre pour la première fois sur scène le cinématographe tout nouvellement inventé (31 janvier 1897 aux Variétés) et Les Demoiselles des Saint-Cyriens, réunissant élèves d’un pensionnat de jeunes filles et jeunes soldats de Saint-Cyr, et évoquant par ailleurs l’invention du métropolitain (22 janvier 1898 au théâtre Cluny), ne s’en tirent pas mal avec plus de 80 représentations.

Les dernières années

Pendant la dizaine d’années qu’il lui reste à vivre, Louis Varney produit encore une quinzaine d’ouvrages en sept ans mais les plus réussis n’atteignent qu’un score moyen. Il est vrai que, en attendant le renouveau apporté par les viennois, l’époque n’est plus vraiment à l’opérette dont le genre semble épuisé. Rares sont alors les véritables succès. Audran et Planquette se s’en tirent pas mieux que Varney. Ce dernier a cependant commencé à diversifier sa production.

C’est ainsi qu’on le voit aborder le ballet-pantomime avec, entre autres, La Princesse Ida, chorégraphié par la célèbre Mariquita pour les Folies Bergère (27 mars 1895) ou Paris-cascades, un acte donné à l’Olympia (3 mars 1901). Il revient à la revue avec La voie lactée, 2 actes donnée aux Variétés (7 février 1899) et On liquide, deux actes pour le Bataclan (28 décembre 1900) et aux petites pièces en un ou deux actes : Pour sa couronne, fantaisie pour les Bouffes-Parisiens (17 avril 1897), Le tour du bois (Variétés 3 juin 1898), Frégolinette (25 avril 1900 aux Mathurins) et participe à un hommage rendu à l’un des pères de l’opérette, Les refrains d’Offenbach (3 juillet 1900).
fiance-de-thyldaDans le domaine de l’opérette proprement dit, il signe encore six ouvrages : Les Petites Barnett (3 actes pour Les Variétés, 8 novembre 1898, 50 représentations), Le Fiancé de Thylda (3 actes pour Cluny, 29 janvier 1900, 62 représentations), Mademoiselle Georges (4 actes pour les Variétés, 2 décembre 1900, 31 représentations),La Princesse Bébé (3 actes pour les Nouveautés, 18 avril 1902, 29 représentations), Le Voyage avant la noce (3 actes pour le Trianon, 19 décembre 1902), Le Chien du régiment (4 actes pour la Gaîté, 25 décembre 1902, 59 représentations)

Son ultime partition est celle d’une féerie, L’Age d’or, 3 actes donnée le 1er mai 1905 à la Gaîté.
Follentin, employé grincheux, s’endort pendant que sa fille lui lit La reine Margot de Dumas. Un rêve le transporte, en compagnie de sa femme et de sa fille, à diverses époques : sous Charles IX, puis sous Louis XV où il rejoint en prison Cartouche, Mandrin et Latude. Il se trouve enfin propulsé en l’an 2000 dans un Paris où les rues sont transformées en canaux et où les femmes ont obtenu la suprématie en tout ! Après mille déboires, Follentin se réveille, heureux de constater que tout cela n’était qu’un mauvais rêve.
Pour ce spectacle somptueux, admirablement interprété par une pléiade d’artistes dont Eve Lavallière, Brasseur, Anna Tariol-Baugé, Paul Fugère… au service d’une fine et joyeuse partition de Varney, on s’attend à un long triomphe, mais on ne dépasse pas les 33 représentations !

La défaveur du public pour l’opérette et la crise plus générale des théâtres lyriques touche profondément Varney qui, abandonnant la composition, se voue bravement au professorat. Cependant, peu après, une crise d’albuminurie dont il souffre depuis quelque temps lui fait quitter rapidement la capitale pour aller se soigner à Bagnères-de-Bigorre et à Cauterets, dans les Pyrénées. Là-bas, la situation s’aggravant, sa fille cadette doit aller le chercher pour le ramener chez lui, au 58 de la rue Laffitte, où il décède le lendemain, 20 août 1908, à la suite d’une congestion. Il n’a que soixante-cinq ans.
Louis Varney était l’époux de Claire de Biarrote et le père de plusieurs enfants. Sa fille Marie, avait épousé Robert-Guillaume Casadesus, pianiste, comédien, chanteur d’opérette sous le nom de Robert Casa, compositeur, et l’un des membres de cette grande famille d’artistes. Leur fils, Robert, fut un pianiste célèbre.

Ce n’est donc pas à Cauterets qu’il est décédé, comme il est écrit dans de nombreux articles, mais bel et bien chez lui, à Paris. Il est enterré dans le caveau familial du cimetière Montmartre où reposent déjà son père, Alphonse, et sa mère.

Le Figaro lui consacre un long article nécrologique dont on peut extraire les lignes suivantes qui nous renseignent un peu sur l’homme agréable qu’il était.
« Varney était non seulement un musicien érudit, charmant et d’un talent qui s’est affirmé par vingt succès, mais c’est encore un cœur d’or, excellent dans toute la force du terme, généreux, serviable et d’une amitié à toute épreuve. Il n’a envié personne, a travaillé toute sa vie et dépensé pour tous avec prodigalité, sa verve, son argent et sa santé, car il était taillé pour vivre dix ou quinze ans de plus. Toujours de bonne humeur, il apportait à la mise en scène de ses pièces, non seulement un art raffiné, mais encore la gaieté qui entraîne les interprètes, justifie la confiance des directeurs et conduit franchement au succès ».

De tous ces succès, il ne reste aujourd’hui que bien peu de choses, les seuls Mousquetaires au couvent, alors que bien d’autres partitions à la musique claire, franche et facile, Fanfan la Tulipe, Les Petits mousquetaires, La Fille de Fanchon la vielleuse, Miss Robinson, Le papa de Francine mériteraient de revoir le jour, ne serait-ce qu’en disques, à la radio ou dans un festival.

Extrait de deux articles de Bernard Crétel parus dans Opérette 152 et 153

Dossier © Académie Nationale de l’Opérette



 OEUVRES LYRIQUES :


Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique, ob = opéra-bouffe, bm = bouffonnerie musicale, rev = revue, sc = scène, fant = fantaisie, v = vaudeville, p féerie = pièce-féerie
Le chiffre indique le nombre d’actes – « opé 5/10″ veut dire « opérette en 5 actes et 10 tableaux »

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1876
5 fév
De bric et de broc Clairville (Louis François) , Liorat (Armand) rev 4 Paris, Athénée (Comique)
1876
26 sept
Signor Pulcinella (Il) Beauvallet (Frantz), Leprévost (Marc) bm 4 Paris, Athénée (Comique)
1879
10 janv
Babel revue [1] Burani (Paul), Philippe (Edouard) rev 4 Paris, Athénée (Comique)
1879
1° oct
Amoureux de Boulotte (Les) Albert (Paul), Calixte (P.) opé 1 Paris, Folies-Marigny
1879
8 nov
Sirènes de Bougival (Les) Jallais (Amédée de) opé Paris, Alcazar
1880
13 fév
Bric-à-brac Savard (Félix), Monréal (H.) rev Paris, Athénée (Comique)
1880
16 mars
Mousquetaires au couvent (Les) Prével (Jules), Ferrier (Paul) oc 3 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1881
4 avr
Reine des Halles (La) Delacour (Alfred), Bernard (Victor), Burani (Paul) opé 3 Paris, Comédie Parisienne
1882
2 mars
Coquelicot Silvestre (Armand), Cogniard frères oc 3 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1882
11 oct
Petite Reinette (La) Clairville fils (Charles), Busnach (William) opé 3 Belgique, Bruxelles, Galeries-St-Hubert
1882
21 oct
Fanfan la Tulipe Prével (Jules), Ferrier (Paul) oc 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
2° vers. :Toulouse 1916
1883
août
Joséphine Millaud (Albert) sc 1 Trouville, Casino
Paris 1884
1884
16 mars
Joséphine Millaud (Albert) sc 1 Paris, Variétés
C: Trouville 1883
1884
19 mars
Babolin Prével (Jules), Ferrier (Paul) oc 3 Paris, Nouveautés
1885
5 mars
Petits mousquetaires (Les) Prével (Jules), Ferrier (Paul) oc 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1887
25 janv
Amour mouillé (L’) Prével (Jules), Liorat (Armand) oc 3 Paris, Nouveautés
1887
22 nov
Dix jours aux Pyrénées Ferrier (Paul) opé 5/10 Paris, Gaîté (r. D.Papin)
1888
11 août
Divorcée Toché (Raoul) opé 1 Cabourg, Casino
1888
23 nov
Japonaise (La) Najac (Emile de), Millaud (Albert) ob 3 Paris, Variétés
1889
30 janv
Vénus d’Arles (La) Ferrier (Paul), Liorat (Armand) oc 3 Paris, Nouveautés
1889
20 avr
Riquet à la houppe Ferrier (Paul), Clairville fils (Charles) féerie 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1890
18 déc
Fée aux chèvres (La) Ferrier (Paul), Vanloo (Albert) opé 3 Paris, Gaîté (r. D.Papin)
1891
3 nov
Fille de Fanchon la Vielleuse (La) Liorat (Armand), Busnach (William), Prével (Jules), Fonteny (A.) oc 4 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1892
14 avr
Femme de Narcisse (La) Carré (Fabrice) opé 3 Paris, Renaissance
1892
15 oct
Tournée Ernestin (La) Gandillot (L.) v 4 Paris, Cluny
1892
21 oct
Brillant Achille (Le) Clairville fils (Charles), Beissier (Fernand) v 3 Paris, Renaissance
1892
17 déc
Miss Robinson Ferrier (Paul) opé 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1893
11 juil
Cliquette Busnach (William) opé 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1894
9 fév
Forains (Les) Boucheron (Maxime), Mars (Antony) opé 3 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1894
20 avr
Fille de Paillasse (La) Liorat (Armand), Leloir (Louis) oc 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1895
5 juin
Petites brebis (Les) Liorat (Armand) opé 2 Paris, Cluny
1895
16 nov
Belle épicière (La) Decourcelle (Pierre), Kéroul (Henri) opé 3 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1896
17 avr
Falote (La) Liorat (Armand), Ordonneau (Maurice) opé 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1896
5 nov
Papa de Francine (Le) Cottens (Victor de), Gavault (Paul) opé 4 Paris, Cluny
1897
31 janv
Pompier de service (Le) Cottens (Victor de), Gavault (Paul) opé 4 Paris, Variétés
1897
17 avr
Pour sa couronne Fordyce fant 1 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1898
22 janv
Demoiselles des Saint-Cyriens (Les) Cottens (Victor de), Gavault (Paul) opé 3 Paris, Cluny
1898
3 juin
Tour du bois (Le) [2] Oudot (Jules), Gorsse (Henri de) fant 2 Paris, Variétés
1898
8 nov
Petites Barnett (Les) Gavault (Paul), [+ Ferrier (Paul)?] opé 3 Paris, Variétés
1899
7 fév
Voie lactée (La) Gavault (Paul), Cottens (Victor de) rev 2 Paris, Variétés
1900
26 janv
Fiancé de Thylda (Le) Cottens (Victor de), Charvay (Robert) opé 3 Paris, Cluny
1900
25 avr
Frégolinette Cottens (Victor de) opé 1 Paris, Mathurins
1900
3 juil
Refrains d’Offenbach (Les) Gandillot (L.) sc 1 Paris, Ministère de l’Intérieur
1900
2 déc
Mademoiselle George Cottens (Victor de), Veber (Pierre) opé 4 Paris, Variétés
1900
28 déc
On liquide Gavault (Paul), Héros (Eugène) rev 2 Paris, Bataclan
1902
18 avr
Princesse Bébé (La) Decourcelle (Pierre), Berr (Georges) opé 3 Paris, Nouveautés
1902
19 déc
Voyage avant la noce (Le) Cottens (Victor de), Charvay (Robert) opé 3 Paris, Trianon-Concert
1902
25 déc
Chien du régiment (Le) Decourcelle (Pierre) opé 4 Paris, Gaîté (r. D.Papin)
1905
1° mai
Age d’Or (L’) Feydeau (Georges), Desvallières (Maurice) p féerie 3 Paris, Variétés
1916
30 déc
Fanfan la Tulipe Ferrier (Paul), Prével (Jules) oc 3 Toulouse
1° vers.: Paris 1882

[1] Varney (Louis) et  Planquette (Robert)
[2] Varney (Louis) ou Serpette (Gaston) (?)