BAUGE Les
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BIOGRAPHIE :
LES BAUGE
Évoquer les « Baugé », c’est rendre hommage à trois générations d’artistes qui, pendant un siècle, ont honoré le théâtre lyrique de notre pays. La part la plus belle de dossier sera réservée à André Baugé qui, au cours de la première moitié du XXe siècle, a connu une célébrité jusque-là inégalée. Artiste complet qui excellait aussi bien en opéra ou opéra-comique, qu’en opérette classique, viennoise ou à grand spectacle, il n’a pas, à ce jour, connu de concurrent pour la variété de son répertoire.
Nous ferons ainsi connaissance avec Alphonse Baugé et Anna, les parents d’André, avant d’évoquer ce dernier et sa femme Suzanne. Nous terminerons avec leurs deux enfants, Annick et Alain sans oublier Jacqueline Guy, l’épouse de ce dernier.
Alphonse Baugé
(1853- 1934)
Alphonse Baugé est né le 13 février 1853 à Nantes. Il était sculpteur de talent et chanteur. Il tenait les emplois de baryton dans la troupe fixe de sa ville natale et était également réputé comme professeur de chant. Si son nom n’apparaît pas dans les distributions parisiennes, on le rencontre en province où il fit plusieurs tournées avec son épouse Anna. C’est d’ailleurs à Toulouse, au cours d’un séjour professionnel, que naquit le jeune André Baugé. Le Capitole donnait La Mascotte, ce qui a peut-être porté chance au futur créateur de Monsieur Beaucaire. C’est lui qui donna le coup de pouce décisif à la carrière de sa femme Anna en louant une salle parisienne pour la faire connaître des directeurs de la capitale. C’est lui enfin qui donna le goût des arts plastiques à son fils André et qui lui enseigna le chant.
Il disparut le 10 janvier 1934.
Anna Tariol-Baugé
(1871 – 1944)
Née à Veyre Mouton (Puy de Dôme), le 28 août 1871, Anna Tariol était une enfant de la balle. Ses parents, gens du voyage, tenaient un petit cirque qui allait de village en village et la jeune Anna chantait en faisant la quête, accompagnée d’un ours.
La jeune artiste en herbe étudia le chant avec F.M. Boyer et Mme Peschard et fit ses débuts au Grand-Théâtre de Bordeaux dans le répertoire d’opéra-comique, interprétant Carmen, Werther, Mignon et Faust.
En 1891 elle se rendit en Russie ; c’est à cette occasion qu’elle fit la connaissance d’Alphonse Baugé qui, lui aussi,était du voyage ; elle retourna un peu plus tard à Saint-Pétersbourg pour chanter « La Marseillaise » ; elle apparut ensuite à Marseille dans Le Royaume des Femmes et La Belle Hélène, puis fit une tournée en province et en Afrique du Nord avant ses débuts parisiens au Nouveau-Théâtre. Et ce, grâce à son époux Alphonse, qui loua la salle pour la faire connaître du public et surtout des décideurs parisiens. Son interprétation de Boccace de Suppé fut sans doute déterminante, puisque Samuel, directeur des Bouffes-Parisiens, l’engagea et lui confia les rôles de Loia dans La Dame de Trèfle, Agathe dans Véronique, La Chula dans Shakespeare, Aurore dans La Belle au Bois Dormant, Fanchon dans François-les-Bas-Bleus et le rôle-titre de Joséphine Vendue par ses Sœurs.
Au cours de la saison Offenbach 1900 aux Variétés, son interprétation de Fiorella (Les Brigands) eut tellement de succès qu’une série d’affiches représentant le décor de Choubrac et les costumes qu’il avait conçus pour Anna Tariol-Baugé et ses camarades Brasseur, Guy, Méaly et Dieterle envahirent les colonnes Morris à côté des annonces imprimées habituelles. Son succès dans cette reprise lui permit de reprendre de nombreux rôles d’Offenbach. Elle chantait aussi parfois le rôle-titre de Véronique au lieu de celui d’Agathe qu’elle avait créé en 1898.
Un peu plus tard, elle apparut au Casino de Paris et au Moulin-Rouge embellissant ces scènes de music-hall par sa voix éclatante.
À peine âgée de 30 ans, Anna-Tariol Baugé, en ce début de XXe siècle, était déjà célèbre. On l’applaudit dans un certain nombre de pièces : François les Bas-Bleus (auprès de Jean Périer), Le Voyage de Suzette (Châtelet, 1901).
Claude Terrasse fit appel à elle en 1903 pour Le Sire de Vergy : « Madame Tariol-Baugé chantait finement le rôle de Gabrielle » (Bruyas).
En 1904, elle faisait partie de la troupe du théâtre des Variétés où le directeur, Fernand Samuel, programma plusieurs classiques. Ainsi, on retrouva Anna dans Barbe-Bleue, La Fille de Madame Angot (Mlle Lange), La Vie Parisienne (Gabrielle), V’lan dans l’œil (Dindonnette), Miss Helyett (Manuela) et L’âge d’or, l’ultime création du compositeur Varney.
En 1907, Anna-Tariol Baugé chanta à la Gaîté une reprise des Cloches de Corneville (Serpolette) avant la création parisienne des Hirondelles de Hirchmann (rôle de Pomponnette). L’année suivante, Les rendez-vous Bourgeois de Cuvelier ne sont guère à citer que pour la qualité de l’interprétation qui réunissait Anna-Tariol Baugé, Amélie Diéterle et Henri Defreyn.
Un peu plus de dix ans après sa création, Véronique est accueillie aux Folies-Dramatiques : Anna reprit le rôle d’Agathe. Sur cette même scène, en 1912, elle fut applaudie dans La Ribaude, musique de A. Sablon, œuvrette bien oubliée, mais qui fit tout de même 100 représentations à la création.
Avec Fanély Revoil dans « Les Dragons de Villars »
La carrière parisienne que nous venons d’évoquer ne doit pas faire oublier qu’Anna Tariol-Baugé avait chanté sur les principales scènes européennes et avait traversé les mers pour se rendre en Amérique (Buenos-Aires, Rio de Janeiro, Montevidéo) et même au Caire.
En 1912, dans le cadre d’une grande tournée nationale, elle chanta notamment Les Saltimbanques et Gillette de Narbonne.
Nous retrouvons Anna après la première guerre mondiale au moment où son fils André commençait à s’imposer. En 1923, elle était aux Folies-Dramatiques pour Le mariage de Pyramidon, musique d’un certain Victor Larbey. En 1927, création à Marigny de Venise de Tiarko Richepin où Anna et son fils André étaient réunis sur le même plateau ; Au Trianon-Lyrique (1929), elle interprèta auprès de lui Venise, Vouvray et La Fille de Madame Angot (Amaranthe).
En 1933, à la Porte Saint-Martin, Maurice Lehmann lui confia l’emploi de la directrice dans Le Petit Duc, qui est le dernier rôle ou son nom figure dans le « Bruyas », mais sa carrière s’est vraisemblablement poursuivie jusqu’au début des hostilités (vers 1939).
La mémoire collective a gardé le souvenir de la voix de cette merveilleuse interprète, grâce aux enregistrements phonographiques qu’elle a effectués au début du siècle dernier.
Anna Tariol-Baugé devait disparaître à Asnières le 1er décembre 1944.
André Baugé
(1893 – 1966)
La voix d’André Baugé s’est tue le 25 mai 1966. Le disque – et le cinéma – nous ont heureusement permis de conserver le souvenir de cet interprète exceptionnel.
Né « par inadvertance » à Toulouse le 4 janvier 1893, André Baugé passa son enfance à Nantes. Une mère divette, un père baryton, professeur de chant et qui plus est sculpteur de talent, firent que le jeune André fut à la fois attiré par le chant et les arts plastiques. Dans ces deux domaines, Alphonse Baugé fut un professeur qui sut faire fructifier les prédispositions d’un élève particulièrement doué. Inscrit aux Beaux-Arts, élève de Fougerat, Perreaudeau et Ogé, André développa toute sa vie cette passion pour la peinture et exposa à plusieurs reprises, la première fois dès l’âge de 18 ans à Paris, lors de l’exposition des artistes français du Grand-Palais.
Mais le jeune homme se sentait irrésistiblement attiré par la carrière lyrique. Malgré les réticences de sa mère qui en connaissait certes les avantages, mais également les inconvénients, il choisit celle-ci et débuta en 1912 (il n’avait pas vingt ans) à Grenoble dans Hérodiade sous le pseudonyme de André Grillaud. Sa belle voix de baryton conquit le public et on lui confia déjà le rôle de Figaro qu’il devait plus tard faire triompher sur toutes les grandes scènes. Dans la cité grenobloise, il découvrit également l’opérette à travers Le grand Mogol et Gillette de Narbonne.
Pendant la Grande Guerre, André Baugé fit son devoir, plus que son devoir même, et fut blessé à deux reprises, la seconde fois très sérieusement. Croix de guerre avec palmes, il fut nommé Chevalier de la Légion d’Honneur (1917), promu Officier (1932) puis Commandeur (1935). Vers la fin de la guerre (1917), tout juste rétabli de ses blessures, il fut engagé salle Favart où il débuta le 1er avril dans Lakmé (rôle de Frédéric).
Cette prise de rôle marqua le véritable point de départ d’une carrière qui allait très rapidement monter en puissance et se diversifier. Pendant une vingtaine d’années, André Baugé ne se contenta pas de chanter l’opéra ; il fit une carrière particulièrement brillante en opérette en interprétant avec le même bonheur des ouvrages de styles différents (répertoire classique, créations, opérettes à grand spectacle). Il accompagna les débuts du cinéma parlant comme vedette de plusieurs films musicaux ou opérettes filmées. Enfin, il fut l’auteur des paroles de plusieurs opérettes. Toute cette activité dans le domaine lyrique ne doit pas faire oublier ses talents artistiques (peinture) ou sportifs (bateau, boxe, automobile).
De « Lakmé » à « La ronde des heures » : 1917-1931
Jusqu’en 1925, André Baugé fut pensionnaire de la salle Favart, où, après Lakmé il se fit applaudir dans un répertoire très varié : Werther (Albert), La Traviata (D’Orbel), Manon (Lescaut), Don Juan (rôle-titre), Paillasse (Sylvio), Cavalleria Rusticana (Alfio), Les noces de Figaro (Almaviva), Mireille pour la 500e à l’Opéra-Comique (19 décembre 1920, rôle d’Ourias), Pelléas et Mélisande (Pelléas)…
Il chanta également sur cette prestigieuse scène (et sur d’autres) quelques rôles dont il fut au cours de cette période l’interprète de référence :
Ainsi, le 15 décembre 1918, pour la 518e représentation du Barbier de Séville, il endossa salle Favart l’habit (et la voix) de Figaro ; Pour la 100e de La Basoche de Messager, il fut Clément Marot auprès du déjà inusable Lucien Fugère (le duc) et de Edmée Favart (Colette) ; le 5 octobre 1920, 45ème représentation de Fortunio : André Baugé était Clavaroche auprès de Villabella (Fortunio), Marguerite Carré (Jacqueline) et Victor Pujol (Landry), avec André Messager au pupitre. Quelle affiche ! ; pour la 100e représentation de Marouf, fêtée le 14 juin 1923 (en réalité soir de la 99e), André Baugé s’affirma dans un rôle qu’il chanterait en maintes occasions sur de nombreuses scènes. Le 22 mars 1922, gala du centenaire de Victor Massé et 1204e représentation des Noces de Jeannette avec André Baugé et Jeanne Calas.
C’est à l’occasion d’un gala organisé au profit des associations d’artistes le 7 avril 1925, que Véronique fit son entrée à l’Opéra-Comique. À côté d’André Baugé (Florestan), Anna Tariol-Baugé interprète le rôle d’Agathe qu’elle avait créé quelque vingt-cinq ans plus tôt. Véronique était chantée par Edmée Favart.
En 1925 André Baugé quitta la salle Favart, sans abandonner complètement cette prestigieuse scène où on le retrouva à l’occasion de prestations plus ponctuelles. Il fut même engagé en représentation à l’Opéra de Paris pour interpréter Le fifre enchanté (1927), Marouf (1929) et La Traviata (1930).
L’année 1925 marque donc un tournant dans la carrière du chanteur qui allait progressivement diversifier son répertoire pour répondre tant aux exigences des amateurs du grand lyrique qu’aux aspirations d’un public plus populaire.
À l’Opéra-Comique, André Baugé avait « flirté » à plus reprises, on l’a vu, avec le répertoire lyrique léger. Mais c’est sur les scènes privées que son talent allait s’épanouir dans ce domaine. Déjà en 1918, il avait fait ses débuts parisiens dans La dame de Monte-Carlo, une aimable opérette de Germaine Raynal et Hubert Mouton, qui avait fait une petite carrière aux Variétés. En 1920, il était Pitou de La Fille de Madame Angot à la Gaîté-Lyrique. Enfin, le 21 novembre 1925, le théâtre Marigny, refait à neuf, affichait la version française de Monsieur Beaucaire, une partition exquise d’André Messager qui permit à André Baugé de s’imposer dans un rôle difficile, auprès de l’excellente Marcelle Denya. Sur cette même scène, il succéda à Jean Périer pour une reprise en octobre 1926 de la « jeune » Ciboulette (créée en 1923) , et créa (25 juin 1927) Venise, une opérette nouvelle de Tiarko Richepin.
Cette fin de décennie fut fertile en créations. Entre 1927 et 1930, on ne compta pas loin de cent opérettes nouvelles dans la capitale et notre baryton fut très sollicité. On le rencontra successivement à la Gaîté-Lyrique pour la création de Paganini de Lehár (1928) où il fit triompher « J’ai toujours cru qu’un baiser ». L’ouvrage ne tint malgré tout pas l’affiche très longtemps de même que ses deux créations suivantes aux Folies-Wagram (Etoile) : La Térésina d’Oscar Straus (25 mai 1928) et L’Orloff du viennois Bruno Granichstaedten pour laquelle la presse salua la prestation d’André Baugé :
« M. André Baugé chante à ravir tous les airs de son rôle. Quelle prodigieuse aisance et quelle musicalité ! » (Fred Orthys).
En 1929 le baryton devint directeur intérimaire du Trianon-Lyrique. Au cours d’une saison « André Baugé », il interpréta Venise (reprise), La Traviata, Le Barbier de Séville, Lakmé, La Favorite, La fille de Madame Angot… Il créa également sur cette scène plusieurs ouvrages qui ne firent pas date dans l’histoire de l’opérette : Vouvray, opéra bouffe en 3 actes, livret d’André Baugé lui-même, musique de Rodolphe Hermann ; Gringoire de Raphaël Adam et André Baugé, musique d’Ernest Gillet (1) ; Le clown amoureux (2) de Georges Léglise, musique de Maurice Planchar, pièce au cours de laquelle Baugé effectuait quelques exercices acrobatiques. Tous ces ouvrages furent joués en alternance.
Au cours de l’été 1930, aux Folies-Wagram, Cinésonor, musique de Maurice Planchar futt repris quelques semaines plus tard au Bataclan sous le titre Un court-circuit, toujours avec André Baugé. Citons enfin la création à la Scala de Billy-Bill d’Henri Goublier (début 1931) qui fit également une petite carrière.
(1) Sous réserve. Je n’ai retrouvé aucune trace de représentation de cet ouvrage, dont le titre figure pourtant sur une affichette de présentation de la saison.
(2) Annoncé sous le titre de Zig, sur la même affichette.
André Baugé et le cinéma : 1930-1935
L’arrivée du cinéma parlant au début des années trente suscita un nombre impressionnant de films musicaux originaux et d’opérettes voire d’opéras adaptés pour le grand écran. Il faut avouer que si ces films pouvaient se prévaloir d’un succès populaire souvent éclatant lors de leur sortie, aujourd’hui ils paraissent pour la plupart bien démodés . Mais ils ont le mérite de garder vivant le souvenir d’artistes souvent exceptionnels. Toutes les grandes vedettes de l’époque ont peu ou prou « flirter » avec le cinéma : Maurice Chevalier, Henri Garat, Milton, Marcelle Denya, Yvonne Printemps, Pills et Tabet, Tino Rossi, Charles Trenet, Georges Thill, Mireille… et, bien entendu, André Baugé.
La carrière cinématographique d’André Baugé commence avec La route est belle (1930) qui est annoncée, par André Goraieb en 1966 dans « Opéra pour tous », comme le premier film musical français. En 1931, notre baryton obtient un franc succès avec La ronde des heures, un mélodrame comme on les aimait à cette époque. On pouvait lire dans « Cinémonde » :
« Nouveau venu au cinéma, André Baugé a immédiatement conquis l’estime du public ; il confirme ses excellentes qualités dans ce film intelligent, émouvant, toujours intéressant ».
Quelques mois plus tard, nouveau grand rôle dans Un caprice de la Pompadour :
« André Baugé et Marcelle Denya sont les interprètes rêvés pour cette opérette à costumes. Chacun d’eux possède une voix éminemment agréable, une allure et une aisance sous les riches atours d’une époque disparue qui les rendent précieux » (« Ciné Magazine »).
En 1932, Pour un sou d’amour :
« André Baugé allie à ses dons de chanteur, sur lesquels il n’y a plus rien à dire, de brillantes qualités de comédien ».
L’année suivante, Le Barbier de Séville, version cinématographique des deux comédies de Beaumarchais, avec une partition réunissant des airs de Rossini et de Mozart adaptés par Louis Masson, réunit André Baugé, Charpin, Pierre Juvenet, Hélène Robert, Yvonne Ima, Monique Roland, Josette Day :
« André Baugé domine de son talent et de sa réputation inégalée auprès du public Le barbier de Séville de l’écran ».
Est-ce le film le plus important tourné par André Baugé ?. On peut le supposer si l’on considère la couverture médiatique dont il avait bénéficié. Mais il semble difficile d’établir des comparaisons, car à ma connaissance, aucun des longs-métrages interprétés par André Baugé n’a été réédité en vidéo, ce qui est regrettable…
Dans sa carrière cinématographique, on citera encore La Forge (1933), dont le baryton avait écrit le scénario (sa partenaire était Suzanne Laydeker qu’il épousa quelques années plus tard), L’ange gardien (1934) et La Fille de Madame Angot (1935). On rencontre encore le nom d’André Baugé au générique du Roman d’un jeune homme pauvre (1935) mais il n’y faisait qu’une courte apparition (rôle du berger), l’interprète principal étant Pierre Fresnay.
Si la carrière cinématographique d’André Baugé fut assez brève – 5 ans et une petite dizaine de films -, elle avait toutefois, à une époque ou la radio était encore balbutiante, beaucoup fait pour sa popularité. Dans les grandes villes comme dans les plus petits villages, ici grâce aux opérateurs ambulants, sa voix et son physique étaient connus de tous. Ajoutons à cela ses prestations théâtrales tant à Paris qu’en province, les nombreux 78 tours qu’il avait enregistrés ainsi qu’une omniprésence dans la presse qu’il savait fort bien entretenir.
Le Châtelet : 1929 – 1939
En 1929, Maurice Lehmann, nouveau directeur du Châtelet, avait bien l’intention de faire du neuf dans un théâtre qui vivotait sous la houlette de Fontanes. On peut lire dans son livre de souvenirs :
« Le célèbre baryton venait de quitter l’Opéra-Comique. Doué d’une voix au timbre prestigieux, il était le type même du jeune premier d’opérette. Beau garçon, physique avantageux, prestance un peu agressive, possédant une maîtrise de l’art vocal qui lui valait de solides jalousies des chanteurs classiques dont le physique ne leur permettait pas d’aborder ce genre nouveau d’expression du théâtre lyrique, André Baugé semblait tout réunir pour faire une magnifique carrière.
Je m’attachais cet oiseau rare pour trois années et c’est ainsi que je créai avec Bach un tandem difficilement égalable ».
En fait, entre 1929 et 1939, André Baugé créa cinq opérettes à grand spectacle au Châtelet, totalisant en tout près de 2000 représentations. Certes, le baryton s’était parfois fait remplacer pour remplir des contrats extérieurs, notamment à la Porte Saint-Martin également dirigée par Maurice Lehmann, mais il imprégna de sa forte personnalité toutes ses créations :
Tout a commencé avec Robert le pirate de Romberg (20 décembre 1929) donné 237 fois :
« André Baugé, plein d’aisance, de bonne grâce, sympathique au gros public comme aux plus délicats initiés » (Paul Reboux)
Le plus grand succès de Baugé sur cette scène fut Nina-Rosa de Romberg (18 décembre 1931) qui a tint l’affiche pendant 710 représentations consécutives et qui fut reprise en 1936 (98 représentations) et en 1939 (55 représentations) :
André Baugé, à la voix si sûre, bien timbrée, si exquise à entendre, au jeu si net et si adroit » (« Paris-Midi »)
« M. André Baugé, grande vedette de la distribution, chante avec une aisance qui tient du prodige, la cigarette et le public suspendus à ses lèvres » (« L’Intran », Gustave Bret).
« Nous avons revu Nina-Rosa à la 380e représentation. L’opérette de Romberg était jouée devant une salle comble. André Baugé, dont on fêtait la rentrée, soulevait l’enthousiasme général, et grand et petits riaient aux éclats aux réparties de Bach.
Le baryton chanta encore sur cette scène Au temps des Merveilleuses (22 décembre 1934, 342 représentations), Au soleil du Mexique (14 décembre 1935, 307 représentations) et Le chant du tzigane (11 décembre 1937, 193 représentations). Sauf pour ce dernier ouvrage, la partie comique était toujours assurée par Bach qui, d’ailleurs, ne quitta guère le Châtelet au cours de ces dix années. Edmée Favart, Sim-Viva, Marcelle Denya, Danielle Brégis, Gabrielle Ristori furent les principales partenaires d’André Baugé au cours de sa période « Châtelet »
La Porte Saint-Martin : 1932-1935
En 1931, Maurice Lehmann sauva de justesse le théâtre de la Porte Saint-Martin qui allait devenir une salle de cinéma. Il fit réaliser des travaux importants et le théâtre put rouvrir ses portes le 5 octobre 1931 ; au programme, des pièces de théâtre. Mais, la salle Favart connaissant une mauvaise période, il conçut le projet de monter chaque année une saison lyrique en s’entourant des plus grands noms de l’époque. Dans « Trompe L’œil » Il a écrit :
« On travaillait ferme à la Porte Saint-Martin… de neuf heures à sept heures du soir, on répétait l’ouvrage qui devait passer la semaine suivante… l’après-midi, je faisais travailler mes chanteurs. Je les traitais exactement comme des comédiens. Parfois ils regimbaient.
André Baugé maugréait :
– Si tu crois qu’on chante comme on joue la comédie, tu te trompes !
Comme je m’étais avisé de faire placer un tapis au deuxième acte du Barbier, il sortit de scène tout rouge et me dit :
– Tu veux donc me faire trébucher dans ma carrière ?
– Pourquoi ?
– Tu ne sais donc pas que je ne peux chanter les pieds dans un tapis ? Cela étouffe les sons »
La première saison lyrique eut lieu en 1933 mais, l’année précédente, le théâtre avait déjà proposé Beaumarchais un opéra bouffe de et avec André Baugé, musique empruntée à Rossini. L’ouvrage avait été bien accueilli lors de sa création à Marseille l’année précédente. :
Il a chanté avec beaucoup de chaleur les airs connus, comme les airs oubliés de son rôle, et a mis une coquetterie légitime à nous en servir les fioritures vocales, se montrant en pleine possession d’un organe au timbre singulièrement prenant » (« Comœdia », 18 mai 1932).
En 1933, André Baugé était affiché dans Le Barbier de Séville, La Traviata, La Fille de Madame Angot, Les Cloches de Corneville, La Mascotte, Rip et une reprise de Beaumarchais.
Dans les faits, Maurice Lehmann ne se limita pas à la saison d’opérette printanière annoncée. Il créa plusieurs opérettes dont celle dont le succès ne s’est jamais démenti : Valses de Vienne, ouvrage fabriqué à partir de musiques de Strauss père et fils.
La création, le 21 décembre 1933 fut triomphale, avec une distribution qui réunissait : André Baugé (Strauss fils), Pierre Magnier (Strauss père), Lucienne Trajin (Rési), Fanély Revoil (la comtesse), Simone Lencret (Pépi) et André Noël :
« Plus en forme que jamais, le prestigieux baryton, qui nuance à ravir, tient la tête d’une distribution de choix ou tout le monde chante et joue d’une finesse rare et d’une impeccable façon » (« Le Parisien », Henri Bénazet)
En 1934, l’événement à la Porte Saint-Martin, fut la création de Fragonard, opérette de Gabriel Pierné. Cette œuvre d’un goût exquis, bénéficiait d’une distribution de premier choix à la tête de laquelle « André Baugé chantait le rôle de Fragonard qui lui convenait à merveille » (Bruyas).
En 1935, le baryton fut programmé dans La Mascotte et Gillette de Narbonne.
Maurice Lehmann continua encore quelque temps à monter des opérettes Porte Saint-Martin, avec plus ou moins de bonheur, avant d’en abandonner la direction.
La Gaîté-Lyrique et Mogador : 1938-1943
Nous abordons la dernière partie de la prodigieuse carrière parisienne d’André Baugé.
André Baugé n’était pas un inconnu pour le théâtre de la Gaîté-Lyrique où, comme on l’a vu précédemment, il avait chanté La fille de Madame Angot (1920) et créé Paganini (1928). En 1938, la direction programma une saison André Baugé qui permit au baryton d’interpréter Le Barbier de Séville, Si j’étais Roi, Les Cloches de Corneville, Les Mousquetaires au couvent, La Traviata et Véronique.
Nouvelle saison Baugé en 1941/1942 avec l’incontournable Barbier de Séville, La Dame blanche et La Traviata, une ultime création en mars 1942 : Carnaval d’Henri Goublier. Cependant, André Baugé n’en avait pas encore terminé avec la salle du square des Arts et Métiers : une dernière saison lui fut consacrée en 1942/1943 et lui permit de se faire applaudir dans Cosi fan Tutte, L’Enlèvement au sérail, Guillaume Tell, Les Dragons de Villars, Les Noces de Figaro et La Traviata.
Au théâtre Mogador, dont le nouveau directeur, Henri Varna, avait décidé de remettre l’opérette classique au goût du jour, André Baugé et son épouse Suzanne Laydeker (devenue Mme Baugé en 1938) furent engagés pour les quatre premiers spectacles : Les Cloches de Corneville (15 mars 1940), Les Mousquetaires au Couvent (4 décembre 1940), Les Saltimbanques (11 mars 1941) et La Fille de Madame Angot (17 octobre 1941) :
« Le rôle du marquis (« Les cloches ») est de ceux qui conviennent le mieux à son aisance scénique, au prestige qu’il exerce sur le public, et on connaît son art de porter au succès le couplet le plus usagé » (« L’Intran », E. Darbaud).
« M. André Baugé joue le rôle de Grand Pingouin (« Les Saltimbanques ») avec une désinvolture athlétique, sa voix est toujours séduisante et il a l’oreille du public » (Les Nouveaux Temps »).
« Pour la première fois, hier, au théâtre Mogador, une opérette a été représentée trois fois de suite en l’espace de huit heures. M. André Baugé, qui interprète le rôle d’Ange Pitou, dans « La Fille de Madame Angot », a aisément réalisé, aux applaudissements du public, cette petite performance lyrique » (« Le Petit Parisien », janvier 1942).
André Baugé et la province
Jusqu’ici, dans nos propos, nous nous sommes contentés d’évoquer la carrière parisienne d’André Baugé. À la lecture, on pourrait valablement supposer qu’il n’a guère pu s’échapper de la capitale tant il y fut omniprésent. Que nenni ! André Baugé avait su faire profiter la province de ses talents. Quelques exemples :
. En 1926, il participe aux saisons lyriques du Touquet et d’Aix-les-Bains
. En 1928, de nouveau au Touquet, il chante La Basoche et Monsieur Beaucaire
. À Bordeaux, au cours de la saison lyrique 1930, il interprète Le Barbier de Séville
. En 1930 et en 1931, on le retrouve aux Variétés de Marseille dans Vouvray, Venise, La Térésina, Beaumarchais, Les Cloches de Corneville, Véronique, Les Mousquetaires au couvent.
. En 1931, à Nantes : Le Barbier de Séville, Marouf, Monsieur Beaucaire, La Favorite et Vouvray.
. Au cours de la « grande quinzaine de Vichy » de 1933 il chante Faust, Le Barbier de Séville, Marouf.
. En 1933, il participe à un concert d’airs d’opéras et d’opérettes à Néris-les-Bains.
Cette énumération est forcément très incomplète. Elle donne toutefois une idée de l’intense activité d’André Baugé et de la solidité d’une voix qui, au cours de la même semaine, était en mesure d’interpréter des ouvrages d’un style totalement différent.
Mais aussi…
André Baugé était un grand sportif. D’ ailleurs, il ne dédaignait pas faire valoir ses talents en ce domaine en cours de spectacles (Le Clown amoureux, Les Saltimbanques). Il a participé à plusieurs galas de l’Union des Artistes. Pour celui de 1930, il a exécuté un numéro de « trapèze de la mort ». La même année, il était président de l’automobile club des artistes. À ce titre, il s’est rendu à Bruxelles parler sport, vitesse et même aviation.
Il avait un goût particulier pour la mer, ce qui le poussa à acheter un yacht avec lequel il voguait, chaque été, en Méditerranée.
André Baugé était un homme de cœur : il participa à de nombreux galas de bienfaisance au bénéfice des « Artistes lyriques anciens combattants » (il fut quelque temps président de l’association) et de la caisse de retraite des artistes de Pont-aux-Dames.
André Baugé était aussi un peintre de talent. Son choix de faire carrière dans le lyrique ne l’a pas empêché de pratiquer les arts plastiques. On lui doit un magnifique portrait de Maurice Escande, sociétaire de la Comédie Française.
André Baugé était un homme formidablement médiatisé. À la lecture de la presse de l’entre deux guerres, on est impressionné par l’omniprésence du chanteur. Ses interprétations étaient la plupart du temps analysées par une critique généralement très élogieuse. Son moindre gala dans une petite station balnéaire de province était cité par la presse parisienne. On annonçait ses projets, ceux qui se réalisaient, ceux qui ne verraient jamais le jour, ceux enfin qui seraient en définitive créés par d’autres têtes d’affiche… Est-ce sa notoriété qui attirait autant l’intérêt des journalistes ? Est-ce André Baugé qui, comme Offenbach avant lui, savait soigner sa publicité ? Un peu des deux sans doute.
Les derniers feux
En 1946, âgé de 53 ans seulement, André Baugé décida d’abandonner sa carrière de chanteur lyrique. Il est vrai que la guerre, comme chaque fois, avait complètement bouleversé les mentalités et les comportements. Les Mariano, Guétary, Merkès et Dens commençaient à occuper le terrain et André Baugé eut l’intelligence de tourner la page.
Il se consacra alors à l’enseignement et fonda un « studio musical » où il donnait des cours à de nombreux jeunes talents. Le Conservatoire de Paris lui confia une classe de phonologie qu’il conserva jusqu’ en 1965.
Mais il est difficile pour un artiste d’abandonner complètement le théâtre vivant. On le retrouva en 1947 au théâtre de l’Etoile, lors d’une reprise de Mademoiselle Star de Pascal Bastia. En 1958 pour le 25e anniversaire de la création de Valses de Vienne, il fut engagé au Châtelet où il interpréta Strauss père. Il joua ensuite ce rôle sur les scènes de province. Au cours des années soixante, il fut également l’un des interprètes de la célèbre comédie de Roger Ferdinand, Les Croulants se portent bien.
Le 26 mai 1966, âgé de 73 ans, André Baugé s’éteignit des suites d’une attaque cérébrale.
Ainsi se termine l’épopée d’un artiste hors du commun qui domina l’histoire de l’opéra et de l’opérette en France au cours de la première moitié du XXe siècle. André Baugé a enregistré un nombre impressionnant de 78 tours, dont seule une faible partie a été, jusqu’à ce jour, rééditée en CD.
Et puisqu’ il faut bien conclure, nous en laisserons le soin à Maurice Yvain, qui, dans « Le Figaro », à l’occasion des représentations des Mousquetaires au couvent à Mogador en 1940, écrivait :
« André Baugé, étonnant de jeunesse, est remarquable dans Brissac. Il chante avec une aisance et une science que seuls possèdent les grands chanteurs, sa voix a gardé sa fraîcheur des premiers jours, c’est un plaisir que de le voir et l’entendre ».
Sources :
« Press-book » de la carrière d’André Baugé entre 1926 et 1934 qui m’a été confié par Annick Baugé et sans lequel il aurait été impossible de bien cerner toutes les facettes du talent d’André Baugé. Qu’elle en soit remerciée ! Merci également à Madame Jacqueline Guy pour son précieux concours.
« Histoire de l’opérette en France par Florian Bruyas » (Emmanuel Vitte, 1974)
« Trompe L’œil », livre de souvenirs de Maurice Lehmann (La Pensée Moderne, 1971)
« Le théâtre du Châtelet est centenaire » (brochure, 1962)
Article paru dans « Opéra pour tous » au moment de la disparition d’André Baugé
Articles parus dans la revue « Opérette »
Programmes de théâtres, documentation Jacques Derouet et documentation personnelle.
Suzanne (Laydeker) Baugé
(1909 – 1980)
Suzanne Laydeker est née le 19 juillet 1909, d’une famille d’officiers et de magistrats. Ses parents auraient préféré qu’elle embrasse la carrière de professeur, mais voilà, la jeune fille était attirée par le chant. Elle fit ses classes au Conservatoire de Paris. Au début des années trente elle apparut dans Nina-Rosa où elle avait pour partenaire Géo Bury… doublure d’André Baugé. En 1933, elle tourna La Forge auprès de son futur époux.
On la retrouva ensuite dans Rosita de Gillette de Narbonne (Porte Saint-Martin, 1935) où le rôle principal était tenu par André Baugé qui fut de nouveau son partenaire dans Le chant du tzigane en 1937 (Châtelet). L’année suivante, elle devint Suzanne Baugé et chanta Rip à la Gaîté-Lyrique auprès de son époux. Le couple se reforma pour quatre ouvrages à Mogador :
Les cloches de Corneville (1940) : « Mme Suzanne Baugé est une bien délicieuse Germaine, physiquement et vocalement ; on ne saurait trop l’applaudir » (« L’Intran », E. Darbaud)
Les Mousquetaires au couvent : (1940) : « Mme Suzanne Baugé chante avec un art sérieux, le rôle de Marie, la pensionnaire romanesque ; elle a bien détaillé la romance du deuxième acte » (« Le Petit Parisien », R. Cardinne-Petit).
Les saltimbanques (1941) : « Suzanne Baugé est la plus piquante Marion qui se puisse voir » (« La France au travail »). « Mme Suzanne Baugé est une saltimbanque ravissante et malicieuse » (« Les nouveaux temps »)
La Fille de Madame Angot (1941) : « Mme Suzanne Baugé est élégante et habile comédienne ; elle chante avec goût et incarne adroitement le personnage de Mlle Lange » (« Les Beaux-Arts)
En 1943, à Mogador toujours, elle chanta le rôle-titre de Véronique auprès de Maurice Vidal en Florestan. Entre-temps elle avait fait escale au Palace, pour une reprise de Phi-Phi (rôle d’Aspasie) auprès de deux des créateurs : Urban et Dréan.
Sa carrière se poursuivit en province où elle aborda, jeune encore, les rôles de composition : Méditerranée, Andalousie, Véronique (Ermerance), Les Saltimbanques (Mme Malicorne) et moult autres ouvrages. À Bordeaux, en 1943, elle fit un peu de cinéma avec ses enfants Annick et Alain. Elle fut aussi très souvent engagée au Grand Théâtre, sous la direction de Roger Lalande. Elle participa à quelques enregistrements discographiques auprès de Marcel Merkès et Paulette Merval.
Suzanne Baugé abandonna sa carrière au début des années 1970, non sans s’être investie avec André Dassary, pendant deux ou trois saisons, dans le casino de Luz Saint-Sauveur près de Tarbes. Dans le charmant petit théâtre de l’établissement, les deux artistes montaient chaque saison des galas d’opérette.
Elle devait s’éteindre, quelques années plus tard, le 25 mars 1980.
Annick Baugé
Annick Baugé, fille d’André et de Suzanne, commença une carrière de fantaisiste à Anzin dans Valses de Vienne (Pépi) auprès de sa mère. Elle n’avait que 18 ans. A Paris, à la Porte Saint-Martin, elle fut, dans La Belle Arabelle, la doublure de Jeannette Batti et reprit son rôle après le départ de la comédienne, partenaire et épouse d’Henri Genès.
On la retrouva ensuite en tournée dans divers ouvrages notamment No, No, Nanette où elle était la partenaire de son frère, Le comte de Luxembourg (Juliette), Violettes Impériales (Rosette), Phi-Phi (Aspasie), Valses de Vienne (Pépi) et autres ouvrages du répertoire. Elle fit également du théâtre, notamment avec les tournées Huberty, de la télévision (émissions de Jean Nohain, opérette Il faut marier maman), du cinéma et participa à plusieurs enregistrements : Violettes Impériales auprès de Merkès/ Merval, Le comte de Luxembourg auprès de Gabriel Bacquier et Colette Riedinger, Phi-Phi auprès de Mireille…
Annick Baugé abandonna prématurément sa carrière pour des raisons familiales. Elle eut malgré tout eu le plaisir de se produire sur scène avec ses parents et son frère.
Alain Baugé
(1934 – 2006)
Alain Baugé, frère d’Annick, a tout d’abord exercé une carrière d’interprète après avoir débuté très jeune au Châtelet dans Le chanteur de Mexico (un reporter), fin 1951. Entre 1953 et 1955, on le retrouva en tournée avec Pierre Larquey. Trente deux mois de service militaire en Algérie interrompirent provisoirement ses activités artistiques. En 1958, il fut engagé par la Cie Renaud-Barrault : il joua la comédie et chanta dans Christophe Colomb de Milhaud d’après Claudel. En fin d’année, il était de nouveau au Châtelet pour Rose de Noël. En opérette, il interprèta de nombreux rôles du répertoire, parfois avec sa sœur Annick ou avec ses parents.
Puis il fut engagé à Orléans comme directeur de la scène et signa ses premières mises en scène d’opéra (Boris Godounov, La flûte enchantée, Roméo et Juliette…), d’opéras-comiques et d’opérettes. Cette évolution dans sa carrière se précisa peu à peu et il finit par abandonner son métier d’interprète. Retour au Châtelet en 1969, sous la direction Marcel Lamy, comme directeur de la scène et fut maintenu à ce poste sous les directions suivantes (Mme Lamy, André Huet).
Au Châtelet, sa collaboration s’exerça à l’occasion de La Caravelle d’or, puis de Louisiane mes amours qu’il mit en scène. Il collabora avec Francis Lopez pour Les Trois Mousquetaires, et mit seul en scène Valses de Vienne et Le Pays du Sourire. Il suivit André Huet à Mogador où il exerça les mêmes fonctions. Là, il mit en scène Rêve de Valse, La Belle de Cadix, Valses de Vienne, Le Pays du Sourire et L’Aiglon. Sa carrière parisienne se termina en 1977 avec le changement de direction et de programmation du théâtre Mogador.
On retrouva ensuite Alain Baugé en province pour de nombreuses mises en scène. En 1984, il fut nommé coordinateur aux Chorégies d’Orange. Il fut également directeur de scène à l’Opéra de Nice.
Moins connue du public en raison de sa spécialisation en « amont » du spectacle, à une époque où les metteurs en scène ne faisaient pas la « une » comme aujourd’hui, la carrière d’Alain Baugé n’en a pas été pour autant négligeable, loin s’en faut. C’était un grand professionnel qui s’était distingué, comme cette brève évocation le montre, sur de grandes scènes nationales.
Jacqueline Guy
Dotée d’une formation chorégraphique, dramatique et musicale qui lui permettait d’aborder tous les emplois de fantaisiste du répertoire classique ou moderne, Jacqueline Guy est l’épouse d’Alain Baugé. Sa carrière se déroula tant à Paris qu’en province où elle eut les partenaires les plus prestigieux : Luis Mariano, Tino Rossi, Marcel Merkès et Paulette Merval, Jean-Marc Thibault, Jacques Chazot, Robert Manuel, Jean-Marie Proslier et bien d’autres. Elle pouvait se prévaloir d’une centaine de premiers rôles à son répertoire.
Au Châtelet, elle créa Les Trois Mousquetaires (Lopez) et joua Valses de Vienne et Le Pays du Sourire, qu’elle reprit à Mogador, où elle interpréta également Rêve de Valse et La Belle de Cadix ; au Capitole de Toulouse, elle créa La Castiglione de Paul Durand (Pizarella) et au Grand Théâtre de Bordeaux, Clivia de Nico Dostal.
Elle tourna le film télévisé Quatre jours à Paris auprès de Georges Guétary. Au cinéma, elle fut la partenaire de Jean-Marc Thibault (Les bidasses au pensionnat) et Peter Ustinov (Nous maigrirons ensemble). Au théâtre, elle joua Diable d’homme avec Robert Lamoureux et Claude Nicot. Plus tard, elle interpréta Dolly (Hello Dolly !) à Limoges, Toulouse, Liège, Reims, Lille, Avignon… Elle joua aussi dans les nouvelles productions de Trois Valses, Les Folles Années, No, No, Nanette, Le Chanteur de Mexico, A la Jamaïque, La Route fleurie.
Jacqueline Guy ne se contenta pas d’être une interprète de talent ; tout en poursuivant sa carrière sur scène, elle réalisa les mises en scène de nouvelles productions de Véronique, Quatre Jours à Paris, Princesse Czardas… pour Avignon, Nancy, Metz, l’ORW, Toulouse, Tours, Toulon, Reims, Lille, Lausanne, Marseille…, ainsi que de Violettes Impériales, Valses de Vienne, Rêve de Valse, Coquin de Printemps, La Route fleurie, Quatre Jours à Paris, La Belle de Cadix, Hello Dolly !
Elle participa au succès de l’Opéra Royal de Wallonie, qui obtint le « Molière » du meilleur spectacle musical 2001 : Chantons sous la pluie, traduit et mis en scène par son fils Jean-Louis Grinda.
Interprète de talent, très populaire sur les scènes de province et de Belgique, Jacqueline Guy méritait de faire une belle carrière dans la capitale. Mais voilà, dans le domaine de l’opérette, Paris n’est plus le Paris d’antan.